Almaghrib - 9 juin 1937

Le moment est venu pour le gouvernement de changer de politique, et pour le Maroc d'entrer dans une nouvelle phase de la lutte pour la liberté. Tous, jeunes et adultes, hommes et femmes, "en ont ras le bol" de ces comportements, et les esprits commencent à en éprouver de la répugnance. Chacun a compris que l'évolution du Maroc - aussi modeste soit-elle - ne doit pas être ignorée.

Le gouvernement ne peut pas se permettre de négliger les manifestations de changement qui bouleversent le corps social ou d'ignorer l'influence qu'elles exercent sur l'administration du pays et le fonctionnement de ses services. Il a tout intérêt à envisager cette évolution avec calme et sérénité. Les instances supérieures doivent s'adapter aux transformations qui s'opèrent dans la société et en comprendre la portée réelle pour éclairer les services administratifs dans les différentes régions du Maroc sur les données de la nouvelle politique qui doit être suivie.

Nous croyons savoir que l'Administration Centrale au Maroc s'est laissée influencer jusqu'à un certain point par le cours de cette modeste évolution, et a reconnu aux Marocains une partie des droits dont jouissent les autres, pendant que les autorités locales continuent de faire la sourde oreille pour ne pas entendre la vérité, et se font un devoir d'ignorer qu'elles ont affaire à un peuple désireux de vivre, et qui aspire à l'air pur. Une telle orientation ne peut être que bénéfique pour tout gouvernement qui se respecte, et qui conduit les affaires du pays avec fermeté et détermination.

Pour notre part, nous devons signaler à l'autorité supérieure la gravité des évènements qui ont tendance à devenir de plus en plus nombreux dans certaines régions du Maroc, tels que l'exil imposé à certaines personnes, l'interdiction d'une fête ordinaire ou le comportement inadmissible d'un agent de l'autorité publique. De telles provocations n'ont plus leur raison d'être dans un pays qui a délibérément choisi de s'ouvrir au progrès de la civilisation moderne.