Almaghrib - No spécial à l'occasion de la commémoration du 40ème jour de la disparition de Saïd Hajji - 6ème année - No 937 - 29 avril 1942
-
Et pourtant, personne ne peut nier que la terre marocaine est parmi les plus fertiles, et que, quelle que soit la cruauté du sort qui s'est abattu sur elle, elle produit très souvent une végétation luxuriante qui s'apprête à une consommation immédiate et au prix de très peu d'essais opérationnels. Le Maroc n'a jamais connu de disette dans son passé pas plus qu'il n'a été dépourvu de têtes pensantes ni d'intellectuels chevronnés. Son rôle à l'heure actuelle n'incite pas au désespoir et ne permet pas d'être pessimiste sur l'évolution du sursaut culturel de la nation; bien au contraire, il invite à réfléchir sur les données du mouvement intellectuel qui se dessine et à en rechercher les causes afin de lui faire parcourir de grands pas dans la voie du succès.
"7 avril 1938"
-
La civilisation marocaine n'est sous aucun de ses aspects inférieure aux autres civilisations musulmanes; elle est même à bien des égards supérieure à certaines d'entre elles. Dans le passé marocain, il y a un mode de pensée et une sensibilité ayant laissé un héritage culturel qui, s'il venait à être étudié, pourrait constituer un renouveau de la civilisation marocaine...
"14 avril 1938"
-
Le mode de pensée marocain a réussi à entrer en rapport avec le mode de pensée islamique d'une façon générale, ce qui lui a permis de réaliser des prouesses dans les domaines de la législation, de la philosophie, de la médecine et des mathématiques, sans parler des sciences sociales et des conclusions qu'il en a tirées pour glorifier la civilisation musulmane.
"28 avril 1938"
-
Seuls les hommes de lettres peuvent s'acquitter valablement de cette mission. Ils sont les seuls à être en mesure de lancer ce cri qui fait écho aux voix de nos ancêtres disparus, exprime la douleur que ressentent les réformateurs aujourd'hui et symbôlise les efforts que nous devons déployer pour bâtir notre avenir. Les hommes de lettres sont le fondement d'une véritable révolution sociale.
"5 mai 1938"
-
Les jeunes marocains se sont éloignés des belles-lettres, ou plutôt en ont été détournés par un environnement malsain, dont ils ne peuvent s'approcher sans qu'il les contamine, au point qu'ils perdent conscience de ce qu'ils font et qu'ils ne pensent pas au résultat de leurs actions. La dépravation des moeurs qui tue l'âme et transforme le corps humain en un corps animal se met au travers de leur chemin pour éveiller leurs mauvais instincts et provoquer chez eux les plus basses réactions. Nos jeunes n'arrivent pas à se débarrasser de ces instincts et de ces réactions parce que leur éducation n'est pas fondée sur une assise solide, leur culture est superficielle et le message littéraire n'a pas exercé sur eux l'impact nécessaire pour qu'ils comprennent qu'il existe une vie bien meilleure que la leur et un air de fraîcheur bien plus stimulant pour les sensations que cet air étouffant dans lequel ils se débattent.
"5 mai 1938"
-
Il est louable de conserver nos habitudes et nos traditions qui ne sont ni choquantes ni préjudiciables à la réputation de notre pays, mais nous devons auparavant vivre dans notre siècle et nous adapter aux conditions de vie de notre époque.
"2 janvier 1938"
-
Mais la nation ne peut vraiment assurer son décollage que si toutes ses composantes évoluent d'une manière harmonieuse et qu'elle mobilise toutes ses forces en vue d'oeuvrer pour l'avenir avec de nouvelles énergies et une orientation saine fondée sur des bases solides fournies par des théories modernes. Le décollage de la nation ne peut s'effectuer que par un bouleversement profond dans sa vie intellectuelle.
"10 février 1939"
-
Malheur à toute nation qui ne valorise pas l'enseignement et ne fait rien pour le porter à un degré plus élevé. Malheur à un peuple qui engage des dépenses excessives pour des futilités, et qui est avare de quelques dirhams destinés à une collecte pour la réalisation d'un projet bénéfique pour la nation avec comme objectif de la sauver de l'atmosphère étouffante de l'ignorance.
"16 juillet 1938"