Natif de Salé (Maroc) où il a vu le jour le 29 fevrier 1912, Saïd était le dernier né d'une famille de six enfants, dont une fille et 5 garçons. Il savait, dès les premières années de son enfance, qu'il appartenait à une lignée dont l'ascendance remontait à l'un des hommes les plus prestigieux qui se fussent établis à Salé vers la fin du dix-septième siècle. Cet ascendant n'est autre que "Sidi Ahmed Hajji" dont le mausolée, erigé en plein centre de la ville, continue de témoigner de la pérennité de la fibre patriotique qui l'avait amené à combattre l'armée espagnole qui occupait la ville de Mehdia sur la côte atlantique, ce qui lui valut d'être ennobli ad vitam aeternam par un Dahir de Vénération qui lui fut décerné par le Sultan Moulay Ismaël au moment de la remise des clés de la ville libérée.
De père négociant, qui devait sa fortune à ses activités commerciales, et en particulier au négoce qu'il entretenait avec la Grande Bretagne, Saïd a vécu dans un milieu relativement aisé où l'on vouait un véritable culte aux professions libérales, ne fut-ce que pour ne pas être dans la dépendance de l'appareil administratif qui soumet l'individu à une attitude de repli, et le réduit au rôle peu envié du beni-oui-oui qui, par crainte d'être sanctionné, approuve sans réserve l'action du gouvernement quelle qu'elle soit, même si elle va à l'encontre de sa propre situation administrative ou si elle lui paraît incompatible avec les intérêts du pays.
Saïd était conscient que cette distanciation par rapport à l'autorité publique, jointe aux appuis dont disposait son père dans le monde du commerce et de l'industrie britannique, lui ouvrait la possibilité de militer ouvertement dans les rangs du Mouvement National, sans crainte d'être inquiété outre mesure, et lui permettait de soutenir moralement et matériellement la branche de Salé dans la lutte contre la politique coloniale du Protectorat. Il tirait un motif de fierté de ce que son père figurait parmi les premiers pétitionnaires à dénoncer les méfaits de cette politique et offrait son toît comme lieu de réunions des instances dirigeantes du Mouvement National.
Saïd était encore un enfant de 7 ans lorsque son frère aîné, qui était alors âgé de 18 ans, était qualifié de "Saâd Zaghloul" pour sa verve patriotique. Il était en outre constamment fait appel à ses lectures des journaux du Moyen-Orient auxquels il était abonné, pour rendre compte de l'évolution des évènements internationaux aux notabilités et aux intellectuels du 3ème âge. Lorsque l'ancien pacha de la ville a été exilé de Salé en 1919 pour avoir dénoncé le nouveau système fiscal qui allait causer un grave préjudice au petit commerce, Abderrahman a fait le tour de la ville invitant les gens à se joindre à la manifestation de solidarité avec la personnalité exilée, ce qui lui a valu d'être incarcéré pour une période de 15 jours. Saïd était-il conscient que son grand frère écrivait ainsi une page d'histoire en étant le premier marocain à avoir inauguré les geôles du colonialisme? Toujours est-il qu'un tel évènement ne pouvait pas ne pas marquer un enfant de son âge qui commençait à voir en son frère aîné un exemple de courage et de sacrifice pour la cause patriotique. Cette estime allait redoubler d'intensité lorsque celui-ci, deux ans plus tard, allait prendre fait et cause pour la révolution rifaine et s'était declaré prêt à mettre sa maison à la disposition de ses dirigeants pour accueillir les volontaires et soigner les blessés en provenance des champs de bataille. La défaite d'Abdelkrim en 1926, qu'Abderrahman a déplorée dans un poème passionné déclamant son incrédulité à l'annonce d'un tel désastre, a marqué pour Saïd, alors âgé de 14 ans, le commencement d'une nouvelle ère, celle du combat politique qui allait le conduire à former avec son frère Abdelkrim, de deux ans son aîné, et un petit groupe de leurs amis, le premier noyau de ce qui allait devenir plus tard la branche de Salé du Mouvement National.
Participation aux activités du Club Littéraire de Salé
En 1927, Saïd participa à l'âge de 15 ans à la fondation du Club culturel de Salé qu'il considéra comme une tribune pour propager les idées de progrès et appeler la classe des intellectuels à s'engager dans un processus de réformes des mentalités en s'éloignant autant que faire se pouvait des traditions désuètes pour n'en garder que celles qui reflétaient l'image d'une société civilisée ayant appartenu à un pays au passé prestigieux. C'était aussi le lieu où il pouvait donner libre cours à l'exposé de ses réflexions dans les domaines littéraire et artistique, et inviter ses auditeurs à des causerie-débats sur des thèmes qui intéressaient la jeunesse, depuis le profit qu'elle pouvait tirer du rayonnement de la culture et de l'éducation, jusqu'aux espoirs placés en elle pour aider le peuple marocain à puiser dans le tréfonds de son héritage culturel dans le but de faire revivre l'éclat de la civilisation arabo-musulmane qui avait fait la grandeur de ses ancêtres. Depuis sa création début septembre 1927, le club culturel de Salé a joué un rôle extrêmement important dans l'animation du mouvement littéraire et artistique. A l'instar des autres villes du Maroc, et en particulier de Tanger, de Fès, de Casablanca et de Rabat, il a mis sur pied une troupe théâtrale composée d'acteurs recrutés parmi l'élite de la jeunesse intellectuelle de la ville. Cette troupe au sein de laquelle a évolué Abdelkrim, le plus jeune des frères de Saïd, et que l'on voit ici sur la photo assis à la droite d'Abderrahman Aouad, homme de lettres et futur pacha de la ville de Salé, a assuré la représentation de la pièce "Haroun Al Rachid et les Baramikes". La même troupe a été chargée de jouer la pièce célèbre de François Coppée dont le titre a été traduit en arabe par "Au service de la Couronne", et qui a remporté un succès sans précédent.
Projet de création d'une imprimerie
Dès les premières années de sa jeunesse, Saïd s'était rendu compte que la propagation des idées de progrès ne pouvait se réaliser à l'échelle nationale sans la mise en oeuvre de moyens de communication appropriés. Aussi s'était-il tracé comme objectif la création d'une imprimerie, sans laquelle il lui eût été impossible de concrétiser le rêve qu'il avait toujours caressé d'être le promoteur de la presse libre d'expression arabe au Maroc.
Fondation du 1er journal entièrement manuscrit
Dès 1927, il fonda le premier journal privé en langue arabe, entièrement manuscrit et réecrit en plusieurs dizaines d'exemplaires destinés à être distribués aux abonnés des principales villes du Maroc. Ce journal intitulé "Alwidad" (la concorde) était le porte-parole d'une association du même nom qu'il avait fondée avec un groupe de ses amis, lui fixant comme objectif d'oeuvrer pour le bien de la nation et le réveil des consciences, et comme devise: "Notre principe, notre mot d'ordre, notre objectif sont l'entente et la concorde entre les peuples, les races et les religions". On pouvait lire dans un des numéros du journal le mot célèbre de Saâd Zaghloul: "le droit prime la force, la nation prévaut au gouvernement".
Compte-rendu des activités théâtrales de la jeunesse de Rabat et de Salé
Saïd s'est fait l'écho de l'activité théâtrale portée à l'actif de la jeunesse dans un numéro spécial du journal "Alwidad" daté du 7 mai 1929, qu'il a fait paraître à l'occasion de la première representation d'une pièce de théâtre par les jeunes de Rabat, mettant l'accent sur les liens de coopération entre les jeunes des deux rives.
En 1932, à l'occasion d'une tournée au Maroc de la troupe égyptienne conduite par la célèbre actrice "Fatima Rochdi", Saïd a été impressionné par l'accueil plus que chaleureux qui lui a été réservé par la jeunesse de Salé lors des deux grandes réceptions organisée en son honneur, l'une par son frère Abderrahman au domicile Msattas, l'autre par le Club littéraire de Salé au domicile de Mohammed Hassar.
Vocation journalistique de Saïd
Saïd doit sa vocation journalistique, qui fera dire à Robert Rézette dans son livre "les partis politiques marocains" qu'il "fut le meilleur polémiste de talent que connut le Maroc", à un penchant précoce pour la presse comme moyen de communication et de propagation des idées. Il ne s'est pas contenté du journal "Alwidad" qui abordait des questions d'ordre politique, culturel et artistique, et paraissait sur 12 pages une fois par semaine; il l'a doublé d'un "widad" mensuel de 24 pages consacré aux études et recherches littéraires et scientifiques; puis, il a enrichi les titres de ces journaux par la publication d'une revue hebdomadaire intitulée "l'école" entièrement consacrée aux problèmes de l'enseignement, puis d'une publication intitulée "la nation" où étaient traitées les questions relatives à la jeunesse et au mouvement culturel, et enfin d'un "répertoire photographique" où étaient présentées des images de l'actualité politique, culturelle et scientifique aux côtés de prises de vues du Maroc touristique.
Rôle joué par les frères Abdelkrim et Saïd Hajji dans la lutte contre le Dahir Berbère
Le séjour qu'il a effectué en Angleterre en compagnie de son frère Abdelkrim entre 1929 et 1930 l'a quelque peu éloigné de cette activité journalistique. A leur retour au Maroc, pendant qu'ils se préparaient à rejoindre leur frère Abdelmajid au Moyen-Orient où ils avaient l'intention de poursuivre ensemble leurs études, ils se sont trouvés confrontés à une situation politique d'une extrême gravité, provoquée par ce qu'il était convenu d'appeler "la question berbère". Il fallait absolument dénoncer le dahir du 16 mai 1930 qui visait à diviser le peuple marocain en deux catégories: une catégorie d'origine arabe qui restait régie par les règles du droit musulman, et une catégorie berbère qui devait être soumise au droit coutumier qui variait d'une région à l'autre, excluant le recours aux juridictions soumises au droit musulman. Mais l'absence des moyens de communication rendait la tâche quasi impossible, d'autant plus que le texte du dahir précité, en remettant en question les enseignements de l'Islam qui ont fait l'unité et la force du pays pendant plus d'un millénaire, nécessitait une mobilisation générale du monde arabo-musulman.
C'est là que le jeune Abdelkrim a eu un éclair de génie en pensant à une formule susceptible de faire tâche d'huile, à savoir la mobilisation de la foule des fidèles dans les mosquées pour implorer la miséricorde divine. Il s'est mis aussitôt à inviter la population à ne manquer sous aucun prétexte de participer au mouvement de protestation qu'il se proposait d'organiser aussitôt après la prière du vendredi à la grande mosquée de Salé. Il s'est ensuite rendu chez l'Imam qui devait présider la prière pour lui faire prendre conscience que l'Islam était en danger, et lui demanda de dénoncer publiquement le texte du dahir en invitant les fidèles à dire la prière du "Latif", à laquelle la communauté musulmane a généralement recours dans les cas de grande catastrophe, pour demander au Tout Puissant de les préserver de cette calamité qui les menaçait dans leur existence.
L'objectif fixé a été atteint puisque la suite des évènements s'est déroulée selon le scénario qu'Abdelkrim s'était imaginé, le confirmant ainsi aux yeux de l'histoire comme étant l'âme du mouvement. Encouragé par son père qui lui disait de ne pas se laisser intimider par les menaces de l'autorité publique, il n'a pas hésité à revendiquer la responsabilité de ses actes devant le contrôleur civil qui l'avait convoqué pour l'interroger, après avoir fait subir le même traitement à son frère Saïd, en reconnaissant qu'il était le principal instigateur du mouvement de protestation. Le vendredi suivant, la prière fut dite non seulement dans la grande mosquée de Salé, mais aussi dans toutes les écoles coraniques et les petites mosquées de quartier, entraînant l'arrestation des frères Hajji et de trois autres militants ayant participé au mouvement de protestation. La nouvelle de ces arrestations ne tarda pas à se propager dans les grandes villes, si bien que la prière interdite fut dite au même moment dans les enceintes de la quasi-totalité des mosquées du Maroc. Il est permis, avec le recul, de se poser la question de savoir quelle suite allait prendre l'affaire du dahir berbère si on avait adopté un scénario moins fédérateur que celui de la prière du "latif".
Départ des frères Abdelkrim et Saïd Hajji pour le Moyen-Orient
Saïd et Abdelkrim ont été par la suite relâchés, mais avec ordre d'interdiction de quitter le territoire national, ordre qui ne fut levé que vers la fin du mois de novembre 1930. Ils ont ensuite rejoint leur frère Abdelmajid au Moyen-Orient pour y poursuivre leurs études de 1930 à 1935. Et là où ils se sont installés, que ce fut à Beyrout, à Naplouse, à Damas ou au Caire, ils ont transformé leur logement d'étudiant en un véritable centre d'informations journalistiques sur le Maroc. Ils mettaient à profit la correspondance qu'ils entretenaient régulièrement avec les responsables du Mouvement National à Salé pour actualiser le contenu des articles qu'ils destinaient aux journaux et revues les plus influents de la région, tels que la revue "Al Arab" de Jérusalem, "Al Jamaa Al Islamya", autre publication palestinienne, les journaux égyptiens "Al Jihad" et "Kawkab Al Charq", les journaux syriens "Al Nidaa" et "Al Alam Alarabi", ainsi que le journal irakien "Al Istiqlal". Ces articles, qui étaient distribués à partir de Damas, puis du Caire, étaient destinés à mieux faire connaître le Maroc aux populations arabes du Moyen-Orient, à plaider pour la justesse et la légitimité de sa cause et à dénoncer avec vigueur la politique coloniale dont l'objectif avoué était de diviser pour régner.
Comment est née l'idée de l'organisation de la Fête du Trône au Maroc
Les vacances d'été leur permettaient d'organiser à domicile une série de réunions avec le groupe de Salé, tout comme elles leur donnaient la possibilité de renouer le contact avec les jeunes intellectuels des autres villes du Maroc. A l'occasion de l'une des réunions de l'été 1932, ils ont été rejoints par leur frère Abderrahman qui, d'emblée, leur proposa un projet qu'il nourrissait depuis fort longtemps, à savoir l'institution d'une fête nationale célébrant le jour anniversaire de l'intrônisation du Roi du Maroc. Cette idée de la fête du trône, qui a été reprise dans un article que Mohammed Hassar a fait paraître au début de l'année 1933 dans la revue mensuelle "Almaghrib" sous le titre "les fêtes islamiques" a pu ainsi faire son chemin avant de s'imposer comme une expression de la volonté du peuple marocain d'en faire un attribut de souveraineté.
1er anniversaire de la revue d'expression française "Almaghrib"
Au début de l'été 1933, alors que Saïd se trouvait encore à Damas, les dirigeants du Mouvement National s'apprêtaient à célébrer le 1er anniversaire de la revue d'expression française "Almaghrib" qui paraissait à Paris sous la houlette politique d'Ahmed Balafrej et la responsabilite juridique et rédactionnelle de Robert Jean Longuet, avec l'assistance d'un Comité de Soutien composé de personnalités socialistes amis du Maroc. Les instances dirigeantes du Mouvement se sont adressées à Abdelkrim Hajji pour lui proposer d'organiser la manifestation projetée au domicile de son père à Salé. Celui-ci n'a pas hésité un seul instant à répondre positivement à cette demande, sachant que son père accueillerait un tel engagement de sa part avec enthousiasme et ne manquerait pas de tout mettre en oeuvre pour que cette manifestation se déroule chez lui à la date du 8 juillet 1933 dans les meilleures conditions possibles.
Le cahier des Revendications
Avant d'entrer au Maroc au courant de l'été 1933, Saïd avait été mis au courant d'un projet présenté aux dirigeants du Mouvement National par Mohammed Hassar qui, pour mettre un terme aux bobards répandus par la propagande coloniale selon lesquels les jeunes responsables politiques marocains manqueraient de maturité et ne sauraient se réclamer d'aucun programme valable, a proposé l'élaboration d'un cahier de doléances dans lequel seraient consignées toutes les revendications à caractère institutionnel, politique, culturel, économique et social. Le choix s'est d'emblée porté sur Saïd pour faire partie d'un comité limité à quatre personnes, à savoir Ahmed Elyazidi, Omar ben Abdeljalil, Hassan Bouayad et lui-même, avec pour mission de se réunir le temps qu'il faudrait pour préparer dans le secret le plus absolu le document en question. Ce comité restreint s'est réuni pendant une période de 40 jours aux termes de laquelle un projet de document a été mis au point. Le texte de ce projet, traduit par la suite en langue française après avoir subi quelques retouches sur le plan de la forme, a été présenté en 1934 comme un document officiel du Mouvement National aussi bien aux Hautes Autorités du pays qu'au Gouvernement de la République française et au Résident Général de France à Rabat. Ce Cahier de revendications est devenu un document de référence chaque fois qu'il était question de justifier le bien-fondé des aspirations du peuple marocain à une vie de dignité et de libre choix de son destin. Il a de nouveau été présenté en 1937 par "le Comité d'Action Nationale" dit "Alkoutla Alwatania" qui a succédé au Mouvement National, mais sous une forme résumée, se limitant aux revendications les plus urgentes.
Admission des frères Abdelkrim et Saïd dans la cellule dite "Taïfa"
En 1934, pendant les vacances d'été, Saïd et Abdelkrim ont été parmi les premiers à être admis comme membres de la cellule secrète, dite "Taïfa", qui avait pour mission de diriger le Mouvement National, puis le Comité d'Action Nationale, et dont les membres devaient prêter serment devant Dieu et la Nation pour garder sous le sceau du secret toutes les décisions prises en son sein. Composée d'une soixantaine de membres, dont une dizaine de la branche de Salé, cette cellule comptait dans ses rangs les principaux dirigeants ainsi qu'un certain nombre de patriotes parmi les militants de la jeunesse active tels que Abderrahim Bouabid, Mehdi Benbarka, Kacem Zhiri, Abdallah Ibrahim, Abdelkebir El Fassi, Tahar Zniber, Seddik Ben Larbi pour ne citer que quelques noms parmi eux. L'adhésion à la "Taïfa" ne pouvait être acquise sans que le postulant ait rendu d'inestimables services à la nation et à l'entité politique à laquelle il appartenait.
Rejet d'une demande d'autorisation de publier une revue culturelle
A son retour définitif au Maroc, Saïd s'est empressé d'adresser au Grand Vizir, sous couvert de "la Direction des Affaires Indigènes" à Rabat, une lettre datée de juin 1935 sollicitant l'autorisation de publier une revue culturelle dénommée "Marrakech".
Cette autorisation lui ayant été refusée, il a aussitôt saisi le Résident Général de France à Rabat pour lui signaler que le refus d'accorder une autorisation destinée à permettre la publication d'une revue strictement culturelle était de nature à porter un grave préjudice à l'honneur de la France, pourtant réputée pour être le pays des droits de l'homme et des libertés publiques.
Comité de suivi chargé des revendications relatives à la presse
Devant la persistance des Autorités du Protectorat à ne pas autoriser la parution de journaux nationaux de langue arabe, le Comité d'Action Nationale a décidé de confier à un comité restreint la tâche de poursuivre les revendications relatives à la liberté de presse. Composé de trois membres - Mohammed Elyazidi, Brahim Elkettani et Saïd Hajji -, ce comité a commencé ses activités en procédant à la distribution d'un tract en date du 17 septembre 1936 faisant état de l'échec de toutes les tentatives faites auprès de l'Administration coloniale pour obtenir les autorisations nécessaires et ce, quelle que soit l'orientation du journal, qu'il s'agisse d'une publication à caractère politique, informatif, littéraire ou culturel. Par ce même tract, le public est tenu informé de la constitution d'un comité de suivi composé de personnes dont les demandes d'autorisation n'ont pas été satisfaites, et qui s'engagent par tous les moyens légaux à continuer d'oeuvrer pour "ouvrir la porte de la presse" dans ce pays afin de permettre au peuple marocain d'obtenir la part de liberté à laquelle il aspire, dans le respect de l'ordre public et de l'Etat de droit. Saïd s'est lui-même chargé de concevoir le projet dans un document en trois parties:
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Comment ouvrir la porte de la presse
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Les catégories de journaux qui nécessitent réflexion et modalités de réalisation
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La politique qui doit être suivie par ces journaux.
Le Gouvernement du Front Populaire et les relations franco-marocaines
L'arrivee au pouvoir du gouvernement du Front Populaire en France lui a donné l'occasion de définir dans un projet de texte la nature des rapports qui doivent désormais s'établir entre les deux pays, mettant l'accent sur la nécessité d'imprimer au Comité d'Acion Nationale une orientation claire et précise tenant compte des besoins réels du peuple marocain afin d'exploiter au mieux les chances qui lui sont offertes par les nouvelles données de la politique française. Il propose l'adoption d'un plan quinquennal qui, pour être en symbiose avec les orientations du Front Populaire, doit être assorti d'un programme politique fondé sur le dialogue et la coopération, et arrêtant pour chaque année les opérations à entreprendre et les projets à réaliser.
Memorandum adressé au Gouvernement du Front Populaire
L'auteur de ce projet de texte a, par ailleurs, participé à la rédaction du memorandum que le Comité d'Action Nationale a adressé au Gouvernement du Front Populaire en date du 3 août 1936, critiquant "la Commission Permanente de Défense Economique" qui, depuis sa création, n'a fait que servir les intérêts des colons français au détriment de ces laissés pour compte que sont les véritables natifs de ce pays, dénonçant l'absence des libertés de presse, d'association et de syndicat, et stigmatisant les difficultés quasi infranchissables que rencontre tout marocain postulant pour une autorisation de faire paraître un journal en langue arabe. De plus, au cas où cette autorisation est accordée, elle peut être retirée à tout moment sans que ce retrait soit soumis à une quelconque décision de justice. Mieux encore, la presse marocaine d'expression arabe relève, sur le plan judiciaire, de la compétence des tribunaux militaires, le journaliste passible devant ce type de juridiction devant ainsi répondre de ses écrits comme devrait le faire pour ses actes criminels devant une cour d'assises un vulgaire mafaiteur de droit commun.
Henri Ponsot nouveau Résident Général de France à Rabat
La nomination d'Henri Ponsot au poste de Résident Général de France à Rabat a été accueillie avec intérêt par le Comité d'Action Nationale qui voyait en lui un homme d'ouverture pouvant tenir tête au Conseil Consultatif dominé par les membres réfractaires de la colonie française, dont la dissolution a été réclamée par toutes les instances du Comité à travers le Maroc.
Il est à noter qu'Abdelkrim figurait parmi les signataires de la pétition présentée par la branche de Salé.
Remplacement d'H. Ponsot par l'ex Résident Général à Tunis
Mais les espoirs placés en la personne d'Henri Ponsot se sont vite dissipés puisqu'il a été remplacé par l'ancien Résident Général de France à Tunis, qui s'était distingué par la politique d'extrême rudesse qu'il avait adoptée à l'égard des responsables du parti du "Destour" tunisien. Le remplacement d'Henri Ponsot par un Résident Général moins enclin au dialogue a suscité un vaste mouvement de mécontentement à travers le Maroc, à l'instar de la branche de Salé qui a adressé des télégrammes à Sa Majesté le Roi ainsi qu'au Président du Conseil du Gouvernement français en guise de protestation. Ces télégrammes portaient la signature de Saïd Hajji, Abou Bakr Zniber, Abou Bakr Kadiri, Ahmed Maâninou, Mohammed Hassar, Mohammed Aouad et Mohammed Chmaou.
1er Congrès du "Comité d'Action Nationale"
Le 25 octobre 1936, "le Comité d'Action Nationale" a tenu les assises de son premier congrès à Rabat, avec la participation d'une centaine de délégués représentant les différentes régions du Maroc. Les congressistes ont été appelés à approuver le rapport d'orientation présenté par Allal El Fassi ainsi que le rapport de politique générale présenté par Ahmed Elyazidi. Ils ont ensuite pris part à un débat général tendant à finaliser le cahier des revendications destiné à être réduit aux doléances les plus urgentes devant être soumises sous forme condensée aux Autorités compétentes.
Manifestations de soutien des recommandations du Congrès
Des réunions de soutien des recommandations du congrès ont été organisées le 1er novembre à Fès et le 10 novembre 1936 à Salé, avec la participation dans ces deux villes de Saïd Hajji qui a été invité à prendre la parole après le discours d'ouverture d'Allal El Fassi pour exposer les principes de base des libertés publiques.
Interdiction du meeting de Casablanca et arrestation des dirigeants du parti
Lorsque vint le tour de la manifestation de soutien qui était prévue pour le 17 novembre 1936 à Casablanca, le public a été surpris de trouver le lieu de la réunion envahi par les agents d'autorité avec, à leur tête, le pacha de la ville qui, en voyant venir les dirigeants du mouvement, s'est empressé d'aller à leur rencontre pour les informer de la décision d'interdiction de la manifestation qu'ils avaient l'intention d'organiser. Le public a réagi en scandant "vive la liberté" et en entonnant des chants patriotiques. Le leader Allal El Fassi, porté sur les épaules, a prononcé un discours improvisé, dénonçant les mesures attentatoires aux libertés publiques et demandant à l'assistance de se disperser dans l'ordre. Quelques instants plus tard, trois des principaux dirigeants ont été arrêtés: Allal El Fassi, Mohammed ben Hassan Wazzani et Mohammed Elyazidi.
Manifestations de solidarité avec les dirigeants arrêtés
La nouvelle s'est propagée comme un éclair dans les villes de Fès, Rabat, Salé, Taza, Oujda qui ont aussitôt organisé des manifestations de grande envergure. A Salé, le cortège s'est ébranlé du domicile de Mohammed Bekkali au quartier de Bab Hsaïn en direction de la mosquée qui abrite le mausolée de Sidi Ahmed Hajji. Fidèle à ses principes, Saïd a pris la parole devant la foule des manifestants pour expliquer les raisons qui ont motivé le recours à cette manifestation de protestation, insistant sur son caractère pacifique et précisant que son objectif était de marquer la solidarité de la population de Salé avec les dirigeants du Parti qui venaient d'être arrêtés à Casablanca, et demander leur libération immédiate. Puis, les manifestants se sont dirigés vers la mosquée où des discours ont été prononcés faisant vibrer la fibre patriotique des milliers de personnes ayant répondu à l'appel qui leur a été fait de participer à ce vaste mouvement de protestation. La manifestation s'est soldée par de nouvelles arrestations touchant, entre autres, Abou Bakr Kadiri, Haj Ahmed Maaninou, Mohammed bekkali, ainsi que Mohammed et Abdallah Hajji, cousins de Saïd.
Le Général Noguès nouveau Résident Général
La désignation du général Noguès comme nouveau Résident Général de France à Rabat a été saluée comme un moindre mal par le Comité d'Action Nationale qui, faisant abstraction de ses antécédents en tant que disciple de Lyautey, a décidé d'inaugurer avec lui une ère de coopération, ne fut-ce que pour ne pas déjuger le gouvernement du Front Populaire qui a procédé à sa nomination. Il a fallu pourtant vite déchanter, puisqu'il a suffi qu'Abou Bakr Kadiri refuse d'obtempérer à l'ordre qui lui a été intimé de ne pas ouvrir une dépendance de l'école "Alnahda" pour qu'il soit arrêté et emprisonné. Mieux encore, il a suffi que Saïd Hajji et un petit groupe de patriotes de Salé applaudissent à l'issue du verdict que le tribunal a prononcé en faveur du détenu - estimant que la période passée en prison couvrait largement la durée de la peine qu'il devait encourir - pour qu'ils soient arrêtés à leur tour et enfermés dans les mêmes cachots pour plusieurs jours.
"Almaghrib" et d'autres journaux arabes autorisés à paraître
Mais malgre tout, la politique de dialogue a donné ses fruits puisque dès le début de l'année 1937, un certain nombre de journaux nationaux ont été autorisés à paraître, parmi lesquels le journal "Al Atlas" que dirigeait Mohammed Elyazidi, "Amal Al Chaab" de Mohammed ben Hassan Wazzani, et le journal "Almaghrib" de son fondateur Saïd Hajji.
Interdiction du "Comité d'Action Nationale"
Malheureusement, cette éclaircie n'a duré qu'un temps, le général Noguès ayant mis le cap sur des objectifs coloniaux foncièrement hostiles à la politique de coopération qu'il avait donné l'impression de mener jusque-là. A son retour d'un voyage à Paris, où il a été convoqué en consultation, il s'est rendu le 18 mars 1937 à Fès, où il a réuni les Ulémas et les notabilités de la ville, les membres du conseil municipal, de la chambre de commerce, les représentants du mouvement patriotique ainsi que le gouverneur français de la Province, pour leur signifier la mesure d'interdiction prise à l'encontre du Comité d'Action Nationale en raison de son hostilité declarée à la politique de l'Administration française au Maroc.
Création du "Parti National"
Au mois d'avril 1937, une nouvelle entité politique a été créée en remplacement du "Comité d'Action Nationale" qui venait d'être interdit: "le Parti National pour la réalisation des revendications". Le journal "Almaghrib" qui venait de lancer son 1er numéro le 6 avril 1937 a été le premier à publier le communiqué du parti informant de sa création. Les journaux qui venaient d'obtenir l'autorisation de paraître ont été unanimes à stigmatiser les exactions infligées au peuple marocain, dénonçant la politique d'expropriation au profit des colons français ainsi que les charges fiscales qui pesaient sur une population réduite à un état de misère sans précédent. Devant cette situation catastrophique, "le Parti National" a décidé de recourir à des moyens de résistance plus efficaces, et a convoqué un congrès restreint le 13 octobre 1937 à Rabat. Ce congrès a été préparé par les différentes représentations du parti dans les principales villes du Maroc. Pour sa part, la branche de Salé a organisé le 29 septembre 1937 un meeting au cours duquel Saïd Hajji, succédant à Abou Bakr Kadiri qui a prononcé le discours d'ouverture, a fait un exposé sur le thème: "La liberté se prend et ne se donne pas".
1er Congrès du "Parti National"
Le congrès s'est réuni à la date prévue sous la présidence du leader Allal El Fassi qui a procédé dans son discours d'ouverture à l'analyse de la situation générale et brossé les objectifs politiques assignés au Parti National.
Puis, prenant la parole au nom de la branche de Salé, Saïd Hajji n'a pas caché sa fierté de constater avec quel héroïsme le peuple marocain se battait pour la défense des libertés, ajoutant que "ce que nous consentons comme sacrifice aujourd'hui est le prix que nous devons payer pour faire aboutir nos revendications légitimes".
D'autres orateurs se sont succédés à la tribune, parmi lesquels Omar ben Abdeljalil qui a dénoncé les exactions qui ne ménageaient aucune partie du territoire marocain, et Abou Bakr Kadiri qui a donné lecture du projet du "Pacte National" soumis à l'approbation du congrès.
Articulé autour de 8 articles, ce projet prévoyait dans son article 7 que les congressistes " ont décidé d'interrompre tout dialogue avec le Gouvernement jusqu'à ce qu'il renonce à la politique des abus de pouvoirs et d'étouffement des libertés, et qu'il s'engage à exécuter le programme des revendications urgentes soumis à son examen".
Interdiction du journal "Al Atlas"
Il y a lieu de signaler qu'au lendemain du congrès restreint qui s'est tenu à Rabat, le journal "Al Atlas" qui a été autorisé à paraître en date du 12 février 1937, a été frappé d'une mesure d'interdiction avec effet du 14 octobre de la même année, si bien que le journal "Almaghrib" était devenu le seul organe national de presse pour faire entendre la voix du Parti National et rendre compte de ses activités patriotiques.
Vague d'arrestations après l'adoption du "Pacte National"
Le texte du Pacte National a été présenté à la mi-octobre au Résident Général de France à Rabat, qui a pris la décision 10 jours plus tard, soit le 25 octobre 1937, de faire arrêter Allal El Fassi pour l'envoyer en exil au Gabon, Mohammed Elyazidi, Omar ben Abdeljalil et Ahmed Mekouar pour les exiler dans différentes localités situées dans des régions reculées du Sahara.
La nouvelle de ces arrestations a provoqué un tollé de protestations à travers tout le pays. A Salé, un public nombreux s'est rendu le 29 octobre 1937 à la grande mosquée pour manifester sa solidarité avec les dirigeants arrêtés. Saïd Hajji faisait partie des manifestants, mais, cette fois, il n'a pas pris la parole comme à son habitude, laissant le soin à Abou Bakr Kadiri de s'adresser à la foule des fidèles par un discours dans lequel il a expliqué les objectifs de la manifestation, avant d'aborder le problème des libertés publiques: liberté de réunion et d'association, liberté de presse et de syndicat. Ici, comme à Casablanca, la manifestation s'est achevée par un certain nombre d'arrestations, y compris celle de l'orateur qui va être par la suite condamné à un an de prison ferme.
Isolement politique de Saïd après la vague des arrestations
Après cette vague d'arrestations, Saïd s'est trouvé entièrement isolé sur la scène politique. Même Abdelkrim, qui était le seul parmi ses frères à partager avec lui la vie politique active au sein du Mouvement National, puis au sein du Comité d'Action Nationale, a dû quitter le Maroc dès 1936 pour les Etats Unis d'Amérique où il s'est installé à son compte à New York, à l'instar du frère cadet qui, lui, entretenait depuis plusieurs années un fonds de commerce à Londres. Il est vrai que ses activités commerciales outre-atlantique ne l'empêchaient pas de suivre attentivement l'évolution de la situation politique dans son pays. Non seulement il adressait régulièrement des télégrammes de protestation au Résident Général de France à Rabat pour dénoncer le caractère arbitraire des mesures d'arrestation prises à l'encontre des dirigeants du parti ou des atteintes répétées à la liberté de la presse et des libertés publiques en général, mais encore il prenait souvent l'initiative de rédiger des articles sur la situation au Maroc qu'il adressait aux journaux américains cherchant à gagner leur sympathie en faveur de la cause marocaine.
Stratégie adoptée par Saïd pour sortir de l'impasse
Saïd a donc mis à profit l'isolement dans lequel il se trouvait pour mettre au point une stratégie qui lui permettrait de mener un certain nombre d'actions susceptibles de sortir le pays du vide politique où l'avaient placé les derniers évènements. Il savait qu'il était lié par "le Pacte National" qui interdisait tout dialogue avec les Autorités du Protectorat tant que la puissance protectrice n'aura pas renoncé à sa politique coloniale fondée sur les exactions et l'étouffement des libertés et n'aura pas donné un début d'exécution aux doléances consignées dans le cahier des revendications urgentes. Il fallait coûte que coûte trouver une formule pour sortir de l'impasse; sinon, c'était la quadrature du cercle.
L'Administration du Protectorat avait beau jeu de garder les choses en l'état et n'avait aucun intérêt à élargir les détenus politiques, pas plus qu'elle n'était disposée à faire des concessions dans le domaine des libertés publiques ou plus généralement dans celui des exigences formulées dans le Plan de Réformes soumis à son examen. De plus, "l'Administration des Affaires Indigènes" déployait une intense activité avec la participation active des "Renseignements Généraux" et de collaborateurs peu scrupuleux des intérêts de leur pays, pour saborder les activités du Parti National et nuire à l'intégrité physique et morale de ses responsables.
C'était là où le flair politique de Saïd a été déterminant, bien qu'il n'ait pas été compris dans toute la plénitude de ses pressentiments par nombre de militants qui lui reprochaient d'agir en dehors des engagements pris dans le cadre du Pacte National. En effet, ayant constaté une profonde divergence de vues entre le Résident Général et "l'Administration des Affaires Indigènes", et pressenti chez le premier une volonté d'ouverture qu'il voulait concrétiser par l'amorce d'un dialogue avec ce qu'il considérait comme l'aile modérée du parti, Saïd a estimé que l'une des conditions essentielles posées par le Pacte National était ainsi remplie et que, pour obtenir l'élargissement des détenus politiques et la réalisation du Plan de Réformes, il était nécessaire d'engager un dialogue direct avec le Résident Général, en évitant que "l'Administration des Affaires Indigènes" fût mise au parfum pour ne pas lui donner l'occasion de saboter les négociations qui allaient s'ouvrir entre les deux parties.
Aux termes des réunions où tout ce qui a été dit de part et d'autre a été consigné dans des procès-verbaux signés par chacune des parties, Saïd a conditionné l'adoption définitive du programme convenu avec ses interlocuteurs de la partie française à l'accord d'Ahmed Balafrej, et a demandé qu'il soit autorisé à aller le voir dans sa résidence à Genève pour lui soumettre le projet d'accord qui, une fois accepté, permettrait d'ouvrir une ère nouvelle de coopération fructueuse pour les deux pays. Ayant trouvé Ahmed Balafrej en train de subir une opération chirurgicale, pendant que Chakib Arsalane qui était lié d'une très grande amitié avec lui attendait dans une pièce voisine de la salle d'opération, Saïd a eu un entretien de plus de 4 heures avec celui-ci et a fini par le gagner à la cause pour laquelle il s'était déplacé à Genève. Arsalane a attendu que Balafrej fût complètement rétabli pour lui rendre compte de l'entretien qu'il a eu avec Saïd. Et c'est alors que Balafrej a confirmé par écrit à Saïd son accord de principe pour le programme tel qu'il lui a été rapporté par Chakib Arsalane.
Partant de ces données, comment douter des bonnes intentions d'un patriote comme Saïd qui, comme nous venons de le voir, n'a nullement agi dans un sens différent de celui tracé par le Pacte National? il a, contrairement à ce que colportent ses détracteurs, tout mis en oeuvre pour obtenir la libération de ses compagnons de lutte et s'assurer qu'une partie des revendications allait connaître un début d'exécution. Comment douter de ses bonnes intentions si l'on sait que Saïd a conditionné tout ce qu'il a convenu avec le Résident Général de France à l'accord préalable d'Ahmed Balafrej?
Ces éléments d'appréciation suffisent largement à lever toute méprise, d'où qu'elle vienne, et à ôter toute équivoque en ce qui concerne la fidélité de l'homme engagé qu'il était au Parti National.
Nous pensons que les initiatives prises par Saïd, et qui ne pouvaient être prises que par un responsable de son envergure, à un moment où la quasi totalité des dirigeants était soit en exil soit dans les prisons pour une période indéterminée, ont contribué à obtenir l'élargissement d'un certain nombre de détenus politiques et, au moins, à arracher la promesse d'une étude attentive du cahier des doléances afin de retenir, dans un premier temps, les plus urgentes des revendications urgentes pour leur donner un début d'exécution. N'était-ce pas, là-aussi, un temps fort dans le parcours politique de l'homme d'action qu'était Saïd Hajji?
Malheureusement, la seconde guerre mondiale a éclaté à un moment où il était en pleine possession de ses atouts tactiques pour faire avancer ses entretiens avec les Autorités du Protectorat dans un sens favorable aux thèses patriotiques défendues par le Parti National. Il mourut le 2 mars 1942, âgé d'à peine 30 ans.
Abderraouf Hajji