Almaghrib - 2 juin 1937
La fête du Club d'Enfants franco-marocain s'est déroulée dans une atmosphère rarement ressentie dans la vie marocaine. Marocains et Français étaient ravis et témoignaient les uns aux autres considération et respect. La fête a été couronnée par la présence du Prince de l'Atlas, qui a fait l'objet d'une admiration et d'une chaleureuse sympathie de la part de toute l'assistance. Nous nous réjouissons, quant à nous, qu'il oeuvre dans le sens du renforcement des relations entre Marocains et Français, et s'engage dans la recherche d'un terrain de compréhension et d'amitié entre les deux parties, et nous sommes disposés à expliquer l'idée de ce rapprochement et lui faire la publicité nécessaire, car nous sommes parfaitement convaincus qu'en mûrissant,elle donnera des fruits au profit des deux camps et servira l'intérêt des deux nations. Mais nous ne pouvons nous engager dans cette voie qu'à une seule condition, faute de quoi il nous sera difficile de croire à ce rapprochement, et encore moins d'entretenir une campagne de sensibilisation du public marocain en sa faveur.
Cette condition est que les Français considèrent les Marocains comme une nation qui a droit à l'existence et qui doit jouir de ce droit, que les partisans du rapprochement doivent se mobiliser pour lutter contre tout ce qui peut porter atteinte à la dignité de la nation marocaine et être de nature à encourager une ligne de conduite ségrégationniste aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique et culturel. Ce n'est qu'alors que les membres de ce club pourront compter sur les Marocains pour soutenir l'idée du rapprochement et créer ce climat d'entente entre Marocains et Français que nous appelons les uns et les autres de tous nos voeux. Ce n'est qu'à cette condition qu'une véritable coopération est susceptible de s'instaurer pour raffermir les liens entre les enfants de l'Atlas et ceux de la Seine. Il appartient donc aux membres de ce club de répondre à cet appel, en soutenant la lutte que nous menons pour la reconnaissance des droits de la nation marocaine; et à ce moment seulement, nous pourrons vivre dans une ambiance nouvelle.