Almaghrib - 1ère année - No 22 - 3 juin 1937

Il y a dix jours disparaissait Mr Rockefeller, l'homme le plus riche du monde. Sa fortune se montait à 180 millions de Livres. La presse a consacré à cet évènement de longues manchettes sur sa vie, sa ténacité et la dernière étape de son existence au cours de laquelle il a mené une vie artificielle, ne mangeant et ne dormant qu'à des heures indiquées par les médecins jusqu'à sa mort à l'âge de 97 ans.

Il a fait don de son immense fortune à des oeuvres de bienfaisance et à l'enseignement dans toutes les parties du globe. Cet homme riche est mort, et tout le monde a regretté sa disparition car il était un exemple parfait de l'homme qui incarne la générosité. Il a dépensé des millions dans l'intérêt du bien et du bonheur de l'humanité.

On peut se demander comment il est arrivé à constituer une fortune aussi colossale. Dans un discours qu'il a prononcé à l'occasion de l'inauguration du pavillon dont il a fait don à l'Université américaine de Beyrout pour la recherche scientifique il y a quelques années, il a notamment déclaré:

"Lorsque j'ai atteint l'âge de la maturité, mon père, qui était très riche, m'a convoqué dans ses appartements, et m'a dit en présence de ma mère qui était assise à côté de lui: Aujourd'hui, tu as atteint l'âge adulte, et pour que tu sois un homme, tu dois réfléchir au moyen de gagner ta vie. Tu dois donc quitter le domicile paternel pour tenter ta chance et tester tes compétences dans la vie, sans compter sur l'immense fortune dont je dispose, car elle ne provient pas de la sueur de ton front. Depuis ce jour-là, je suis parti et je ne suis plus retourné à la maison de mes parents, si ce n'est pour maintenir le contact familial. J'ai commencé à travailler, endurant une peine après l'autre et bravant toutes les difficultés que je rencontrais. Souvent la hantise de l'échec me faisait penser à faire appel à l'argent de mon père, mais je me ressaisissais assez vite, prenais patience devant mon infortune et poursuivais mon chemin. Quelques années plus tard, mon père est mort, et ma fortune se montait alors à 100 millions de livres. Je n'ai plus pensé à la fortune que j'ai héritée de mon père, et j'ai décidé de la dépenser entièrement dans les oeuvres charitables et l'enseignement."

Que les jeunes Marocains écoutent bien ces paroles de l'homme le plus riche du monde, fils de ses oeuvres.