Almaghrib - 12 mai 1937

Noua avons critiqué la situation au Maroc, et il nous a été dit que nous étions les ennemis du gouvernement et de la France. Nous avons revendiqué des réformes indispensables, et il nous a été retorqué que nous étions des rêveurs. Nous avons réduit ces revendications aux plus urgentes d'entre elles, et il nous a été répondu de patienter jusqu'à l'adoption du budget. Puis, l'exercice budgétaire a touché à sa fin sans que nous ayions vu une mise en oeuvre ou une quelconque tentative de mise en oeuvre du programme de réformes ni même un début de réflexion sur les modalités d'exécution de ce programme.

Et nous voilà aux portes d'un nouvel exercice budgétaire; va-t-on nous dire encore une fois: "attendez" ...? Est-ce que le Maroc est condamné à rester éternellement au fond du gouffre de l'ignorance, de l'indigence et de l'injustice, alors que le crime dont on l'accuse relève de la pure fantaisie?

Les promesses ne sauraient en aucune manière dispenser des actions, pas plus que les espoirs ne sauraient se fonder sur des mirages. La patience a ses limites et ne peut se prolonger indéfiniment. La situation du Maroc est affligeante et inquiétante sous tous ses aspects. Voulez-vous, messieurs les responsables, que la vie marocaine continue de végéter dans son état actuel de misère, de dénuement et d'agitation?

Nous revendiquons le savoir parce que nous sommes ignorants. Nous sollicitons du travail parce que nous sommes opprimés. Nous voulons du pain parce que nous avons faim. Nous sommes toujours à l'écoute de vos promesses, mais quand vont-elles connaître un début d'exécution? Nous voulons des réformes; est-ce que vous vous y opposez? ... Nous oeuvrons pour que le peuple marocain progresse; est-ce que vous nous déniez ce droit?