Almaghrib - 1ère année - 28 juin 1937
"Almaghrib" venait à peine de publier dans un dernier numéro une correspondance d'un honnête homme de Safi déplorant les conditions d'emploi par des familles juives de jeunes filles musulmanes qui se plaignent de leur sort, qu'il a été assailli par les lettres des lecteurs, se faisant l'écho de cette consternation, multipliant les exemples et demandant à ce qu'un terme soit mis à cette situation peu enviable.
Cette levée de boucliers de bon augure du milieu marocain prouve qu'il commence à se rendre compte des facteurs de sa dépravation et à prendre conscience de sa dignité en insistant sur la nécessité d'éviter que nos jeunes filles ne soient victimes d'un état de pauvreté tel qu'elles n'ont d'autre choix que d'aller chercher du travail auprès de la communauté juive qui leur procure les emplois les plus vils et les plus dégradants.
Nous souhaitons vivement que ce sentiment se renforce et se concrétise par des idées pratiques telle que la création d'un centre d'éducation et d'emploi seul à même de préserver nos jeunes filles de la condition de servilité dans laquelle elles se trouvent.
Si nous nous offusquons de la nature des travaux qui leur sont confiés, encore faudra-t-il que nous pensions aux moyens susceptibles de mettre un terme à de telles pratiques.
Nous ne devons pas nous contenter d'exprimer des regrets ou de demander à l'autorité publique de prendre des mesures qui, même si elles sont prises, demeureraient sans effet.
En revanche, si dans chaque ville, un groupement se constitue et décide de réaliser un projet très simple, qui ne nécessite pas de gros efforts, en ouvrant un local où ils peuvent rassembler ces pauvres filles pour leur apprendre des métiers artisanaux et quelques principes élémentaires de l'enseignement théorique, tout en affectant le produit de la vente des objets de leurs travaux manuels à leur subsistance, ils feront oeuvre utile et contribueront largement à améliorer la pénible situation de la jeune fille marocaine, en la sauvant de l'ignorance et de l'état d'extrême pauvreté dans lesquels elle se débat.
Nous avons tout intérêt à compter sur nous-mêmes pour porter remède aux maux qui nous rongent, en pensant à des projets pratiques et à des opérations associatives susceptibles de nous éloigner du cercle de l'individualisme étroit qui domine toute notre activité, et qui nous a fait marcher à reculons pour nous ravaler au dernier degré de la régression.
C'est à ce genre de projets simples que nous devons penser; et c'est à la réalisation de ce type d'actions qu'il nous faudra oeuvrer.