Ce projet a été établi par Saïd Hajji dans le cadre de sa participation au comité de suivi des revendications de la liberté de presse créé le 17 septembre 1936 en exécution des décisions prises par le Comité d'Action Nationale le 16 janvier de cette même année.

Le projet comprend trois parties:

  • Moyens à mettre en oeuvre pour ouvrir la porte de la presse

  • Les types de journaux à créer

  • La politique qui doit être tracée à la presse nationale d'expression arabe

La dernière partie du projet manuscrit n'a pas été trouvée parmi les papiers du défunt. Seuls le premier point et une partie du second point sont restés de ce projet. Ils ont été publiés dans le livre qu'Abou Bakr Kadiri a consacré à ses "mémoires au sein du Mouvement National pendant les années trente". Nous donnons ci-dessous une traduction de ce texte très intéressant bien qu'il soit incomplet.

  • Comment ouvrir la porte de la presse

    • Présenter un minimum de 5 demandes d'autorisation de publier des journaux en langue arabe

    • Préciser si ces journaux vont avoir une vocation politique ou non

    • Adresser par l'intermédiaire du Comité d'Action Nationale une lettre au Résident Général de France à Rabat mettant l'accent sur la volonté des Marocains d'ouvrir la porte de la presse arabe, seule à même de répondre aux impératifs de la mentalité marocaine

    • Créer un ou deux journaux en langue française et y publier des articles consistants sur la nécessité de créer des journaux nationaux en langue arabe

    • Poursuivre la publication à Paris du journal "Almaghrib" en langue française et consacrer un numéro spécial de ce journal à la question des journaux de langue arabe

    • En cas de réponse négative des autorités compétentes, constituer une commission de revendication des libertés publiques composée de 4 membres qui se chargeront de présenter une note explicative à Sa Majesté le Roi et au Résident Général de France à Rabat

    • Diffuser dans les milieux marocains un communiqué accompagné de la note précitée une semaine après qu'elle ait été présentée aux autorités compétentes

    • Envoyer des télégrammes aux instances supérieures appuyant la note de la commission et revendiquant la liberté de la presse

    • En cas de non réponse passé le délai d'un mois, envoyer une nouvelle note rédigée sur un ton plus ferme pour protester contre la négligence de cette importante question par les autorités gouvernementales

    • Maintenir un contact permanent entre les villes du Maroc pour les informer des activités de la commission et diffuser les résultats de ses travaux dans les différentes couches populaires

    • Au cas où les autorités ne donnent pas suite aux demandes de la commission, adresser un manifeste à la Société des Nations ainsi qu'aux missions diplomatiques et à la presse étrangère

    • En cas d'arrestation des membres de la commission, constituer sans tarder une nouvelle commission et annoncer sa composition au peuple et au gouvernement. Envoyer des télégrammes de protestation aux instances supérieures. Réitérer les demandes d'autorisation demeurées sans réponse

    • Charger la nouvelle commission d'envoyer une troisième note explicative. Diffuser par voie de presse un communiqué réitérant la revendication de la liberté de la presse

    • Au cas où les autorités gouvernementales accusent une fin de non-recevoir aux demandes soumises à leur examen, et procèdent à l'arrestation des membres de la seconde commission, agir dans la clandestinité en diffusant des tracts dénonçant avec vigueur la politique de la puissance protectrice et stigmatisant ses visées coloniales ainsi que ses méfaits et les torts qu'elle fait subir aux Marocains

    • Diffuser toutes les rumeurs qui circulent au sujet des orientations de l'autorité du protectorat, et ne ménager aucun effort pour nuire à la réputation des Français résidant au Maroc

    • Informer la presse étrangère, sans mâcher les mots, sur les activités de l'autorité française au Maroc

    • Diffuser une pétition rédigée dans les principales langues européennes auprès des grands organes de presse internationaux et les inviter à accorder de l'intérêt aux nouvelles du Maroc, qui subit toutes sortes d'exactions et d'injustice. Faire signer cette pétition par un très grand nombre de Marocains

    • Organiser des manifestations destinées à mobiliser les énergies des masses populaires

    • Improviser des discours dans les mosquées pour créer dans le public un élan d'enthousiasme et un regain de combativité

    • Ne pas craindre de se faire arrêter et emprisonner dans le cadre des opérations de représailles orchestrées par la puissance coloniale

    • Charger un comité restreint d'entreprendre pendant cette période une vaste action de propagande à l'étranger.

  • Les types de journaux dont la création doit être envisagée

    • Un quotidien en langue arabe et un quotidien en langue française, tous deux porte-parole du Comité d'Action Nationale. Ton modéré. Ne s'attaquant pas à la vie privée des personnes physiques. N'abordant que les questions en rapport avec la cause nationale. Evitant autant que faire se peut d'être l'objet de mesures d'interdiction

    • Un journal ultra nationaliste, défendant avec vigueur ses conceptions patriotiques et engageant la responsabilité pleine et entière de son équipe rédactionnelle pour tous les articles qui y sont publiés

    • Des journaux d'information partageant les mêmes convictions patriotiques, sauf qu'ils ont mission d'éviter de critiquer les autorités et de se limiter à exposer objectivement la situation politique et économique au Maroc et à l'étranger

    • Des journaux et des revues à vocation culturelle, n'abordant aucun sujet à caractère politique, et accordant un intérêt particulier à l'esprit de renouveau, de réforme sociale et de développement économique.