Almaghrib No 53 - 16 août 1937 - Fragment d'un article auquel manque la première partie

Avec les associations, nous saisissons l'importance de l'esprit coopératif, et le milieu marocain appréciera le gain que la société pourra tirer de la constitution de groupements d'intérêts qui défendent les droits de leurs membres, leur indique la voie à suivre et les assiste pour aplanir les difficultés auxquelles ils doivent faire face.

Aucun milieu n'a autant besoin d'associations que le Maroc qui a tourné le dos aux activités associatives depuis fort longtemps, et qui ne perçoit de la vie moderne que des images disparates dont il n'apprécie guère la valeur.

Les associations sont un aspect de la civilisation moderne qui reflète l'évolution de l'homme dans son passage du stade de l'égoïsme à celui de l'esprit coopératif. Les Marocains ont essayé en maintes occasions de créer des associations culturelles ou sociales, mais l'administration non seulement ne les a pas encouragés dans cette voie, mais elle s'est opposée à leur entreprise. Nous avons quelques difficultés à comprendre cette opposition, à moins qu'elle ne soit dictée par une politique délibérée d'empêcher les Marocains de suivre le courant qui donne accès à la vie moderne et de les ramener, chaque fois qu'ils essaient de faire un pas en avant, à l'enclos de l'immobilisme mortel. Nous sommes persuadés que, dorénavant, l'administration reconnaîtra ses fautes, s'éloignera de ces méthodes du passé qui nous ont conduits individuellement et collectivement à la stagnation, ouvrira aux Marocains les débouchés du marché du travail et s'arrêtera de faire ces oppositions dont on ne peut comprendre qu'une seule chose: nous maintenir dans notre faiblesse afin de permettre aux profiteurs de mieux nous exploiter.

Toutefois, attendre du gouvernement qu'il se plie à nos exigences et réalise tous nos souhaits, relève de l'impossible. Il est même ridicule de se faire des illusions dans ce sens; toute attente d'une prise de décision unilatérale par le pouvoir administratif ne pourrait être interprétée que comme un signe de faiblesse de notre part et un acte blâmable qui justifierait que nous ne méritons rien d'important. Il est donc indispensable de renouveler nos tentatives de création d'associations et de les soutenir par une ferme résolution qui ferait comprendre au gouvernement que nous sommes plus déterminés que jamais à vouloir obtenir ce droit, dont rien ne justifie que nous en soyons privés et que la mentalité marocaine n'arrive pas à saisir les motifs d'un tel refus.

Le droit d'association que nous revendiquons nous ouvrira de larges perspectives en permettant à chaque organisme d'agir dans un domaine déterminé. Il facilitera la création d'autant de groupements d'intérêts que la nécessité s'en fait sentir pour améliorer nos conditions d'existence, contribuer à l'émancipation de notre société et nous insuffler l'esprit d'entreprise et l'ardeur au travail.

Les associations littéraires sont les premières auxquelles nous devons accorder toute notre attention. Il existe au Maroc, aussi bien parmi l'ancienne génération que dans les rangs de la jeunesse, des intellectuels susceptibles d'apporter une contribution efficace dans ce domaine. Nous ne devons pas négliger les associations réformatrices, que ce soit sur le plan social, religieux ou éducatif. Là-aussi, nous avons une catégorie d'hommes cultivés que le courant de l'époque a amenés à s'intéresser au modernisme, et qui pourraient propager les nouvelles idées au sein de la société marocaine. Si nous réussissons à réaliser ces deux pas, à savoir l'envoi de missions estudiantines à l'étranger et la création d'associations, le Maroc fera, à n'en point douter, un grand bond en avant, et aura tout lieu d'envisager l'avenir avec optimisme et espérer sortir de l'état de régression sans issue dans lequel il se débat actuellement.