Almaghrib - 1ère année - No 56 - 23 août 1937
Le mois prochain, le Maroc aura l'occasion de voir se réaliser le voeu de ses étudiants d'abriter le congrés général des étudiants d'Afrique du Nord. Ce congrès sera une des rares occasions de renouer les liens de fraternité et de renforcer les relations entre les hommes d'avenir des pays du Maghreb, unis par la communauté de religion, de langue, de race et d'histoire. Il permettra aussi d'insuffler l'esprit de dynamisme et de vigueur dans le corps social avec ses composantes individuelles et collectives. Il créera les conditions d'un plus grand engouement pour les études en même temps que d'un intérêt plus marqué pour la formation d'hommes conscients de leurs devoirs vis-à-vis de la nation et sachant mesurer la responsabilité que leur font assumer le passé prestigieux de leur pays et son avenir prometteur.
Ce congrès se tiendra à Rabat. Les étudiants ont essayé à deux reprises de le réunir par le passé, mais l'Administration s'est opposée à leurs démarches sans invoquer un quelconque motif pour justifier son opposition.
Cette fois-ci, nous espérons que le gouvernement ne verra pas le rassemblement des étudiants nord africains avec la même défiance que précédemment et qu'il considèrera leur congrès comme une manifestation normale ne devant en principe susciter aucune crainte, à moins que les rouages de l'Administration ne soient inféodés aux forces de la réaction qui dictent aux responsables de combattre tout projet destiné à aider ce pays à s'engager dans la voie du réveil et du progrès.
Dans ces conditions, nous devons réviser notre optique et constater que l'Administration marocaine est sous la coupe des réactionnaires et que son objectif est de veiller à la protection des intérêts du secteur colonial toujours à la recherche de profits au détriment de la population de ce pays.
Les autorités du protectorat au Maroc combattent ce que les administrations coloniales d'Algérie et de Tunisie ont autorisé. Quoiqu'il en soit, nous voudrions oublier le passé et les circonstances qui ont amené la puissance protectrice à interdire la tenue des deux précédentes assises du congrès. Nous nous tournons vers l'avenir et espérons que tout se passera bien cette fois-ci.
Les instances supérieures ont donné leur accord après avoir pris contact avec l'Association des Etudiants Musulmans d'Afrique du Nord à Paris. C'est à nous maintenant de prendre nos responsabilités pour démontrer que ce congrès n'est ni le congrès d'une classe particulière ni celui d'un quelconque organisme, mais est le congrès de la nation africaine dans son ensemble et est organisé par une jeunesse qui se prépare à prendre en mains les destinées de son pays et à se mettre à son service.
Si les organismes et les particuliers apportent leur aide à cette manifestation tant sur le plan matériel, dont nos étudiants ont grandement besoin, que sur le plan moral, ils contribueront à la réussite d'un congrès d'une extrême importance dont les recommandations auront une heureuse incidence sur la vie de la nation. Nous devons assister la commission préparatoire, les riches avec une participation financière, les responsables du secteur de l'enseignement avec leurs recherches.
Ainsi, nous pourrons administrer la preuve que nous prenons en considération cette manifestation à laquelle nous accordons un immense intérêt et que notre nation s'intéresse aux efforts déployés par sa jeunesse qui, seule, peut se porter garante du progrès de ce pays.