Mr Sarraut est chargé du contrôle et de la coordination des Directions de l'Afrique du Nord.
Les nouvelles en provenance de Paris nous apprennent que le gouvernement français s'est réuni ce samedi à titre exceptionnel pour étudier des questions d'ordre politique, social, économique et monétaire et, parmi les points de cet ordre du jour figuraient les questions maghrébines. Le Conseil a décidé de confier au ministre d'Etat, Mr Albert Sarraut, la mission de superviser et coordonner les activités des hautes instances chargées de l'Afrique du Nord. Celui-ci est bien connu dans les milieux ministériels français pour avoir été président du conseil des ministres et plusieurs fois ministre des colonies. Il ne fait pas de doute qu'il est parfaitement au courant des questions des pays placés sous la dépendance de la France et qu'il a une vision globale des solutions qu'il convient de leur apporter. Il a longtemps caressé l'idée d'un ministère regroupant les pays d'Afrique du Nord et les territoires placés sous le mandat français. Cette idée a été concrétisée au début de l'année 1934, sous le gouvernement de Mr Dalladier, avec la création du ministère de la France d'Outre-Mer. Mais cette initiative n'a pas été très bien accueillie par le peuple marocain et ses instances supérieures, si bien que le gouvernement de Mr Doumergue qui a succédé au gouvernement de courte durée de Mr Sarraut a supprimé le ministère de la France d'Outre Mer, et le Maroc a continué de relever du Quai d'Orsay.
Selon les milieux parisiens autorisés, le maintien du contrôle et de la coordination du Département de l'Afrique du Nord sous la supervision de Mr Sarraut ne remet pas en question l'autorité du ministère des Affaires Etrangères sur le Maroc et la Tunisie, pas plus qu'il ne retire l'Algérie de l'autorité du ministère de l'Intérieur. D'après les mêmes milieux, le conseil des ministres aurait accueilli favorablement les doléances légitimes des peuples d'Afrique du Nord et aurait maintenu inchangés l'autorité et le pouvoir du gouvernement.
Pour notre part, nous nous abstenons de commenter cet important évènement avant d'avoir de plus amples informations sur l'orientation que le gouvernement va donner à la politique qu'il compte mener en Afrique du Nord. Nous avons certes une confiance totale dans les personnalités qui composent l'actuel gouvernement, tout comme nous sommes pleinement conscients de la situation que traverse notre pays et de la campagne des réactionnaires visant à y mener une politique rétrograde, mais nous ne voulons être ni optimistes ni pessimistes; nous devons attendre et espérer que les efforts de Mr Sarraut serviront les intérêts des deux parties et auront un effet bénéfique pour nos deux nations; nous devons attendre et espérer que le conseil des ministres français accueillera nos revendications légitimes avec un esprit d'équité afin d'aboutir à un résultat qui permettrait au peuple marocain d'envisager l'avenir avec optimisme, et de se rendre compte que la France est un pays de démocratie et une nation qui respecte les autres nations et veille à la sauvegarde de leurs intérêts, comme le savent les intellectuels marocains qui différencient les intentions de la France de celles des milieux colonialistes.