Causerie au Club littéraire de Salé reprise par la revue mensuelle "Almaghrib" - 3ème année - octobre 1934

Nous connaissons bien notre pays, nous autres Marocains; nous sommes parfaitement au courant de notre situation sociale et de notre acquis civilisationnel passé et présent. Mais, nous ne savons pas grand chose de ce qui se dit de nous à l'étranger où nous sommes ignorés et pratiquement inexistants. Les opinions que l'on a sur nous sont très partagées et divergent jusqu'à un point inimaginable. On nous attribue les meilleures qualités et les pires des vilénies. Les idées que les gens se font de nous au travers de leur imagination sont pour le moins fantaisistes et sans aucun rapport avec la réalité. Le Maroc, tel que nous le connaissons, est une sorte de péninsule bordée sur deux de ses côtés par l'Atlantique et la Méditerranée et sur le troisième côté par les vastes étendues du Sahara. Dans toutes les phases de notre histoire, nous avons constitué une parfaite unité et avons vécu isolés du reste du monde, puisque les seules nations dans lesquelles nous nous sommes réellement intégrés se limitent à celles de l'Afrique du Nord. Ces nations mènent pratiquement le même genre de vie que nous. Nous faisons ainsi partie d'un peuple qui a su sauvegarder son unité et son identité aux différentes époques de l'histoire. Tels que nous étions à l'époque des caravanes et des bâteaux à voiles, où nos rapports avec l'Orient arabe étaient limités au strict minimum, tels nous sommes restés isolés à l'époque des bâteaux à vapeur et des moyens de communication rapides. Nous avons été conquis par les journaux et les publications du Moyen Orient et, au bout de très peu de temps, nous étions en mesure d'être peut-être mieux informés des moindres détails des nouvelles concernant l'Egypte, la Palestine, la Syrie et l'Irak, que les ressortissants de ces pays eux-mêmes. Mais, ce souci de renouer le contact avec les pays du Moyen et du Proche Orient, est à sens unique. Autant nous approfondissons notre connaissance de ces pays en suivant avec intérêt les nouvelles qui nous parviennent d'eux et en situant leurs problèmes au centre de toutes nos discussions, autant ils ignorent tout sur nous, et autant notre situation semble loin de faire l'objet de leurs soucis quotidiens. Ils ne pensent à nous qu'en termes de jugements fondés sur des présomptiions injustifiées et sujettes à caution. Pour eux, nous sommes un peuple qui vit dans une île peuplée de sorciers, tel que celà se conçoit dans l'imaginaire romanesque. Cette idée se présente à leur esprit chaque fois qu'ils s'isolent pour donner libre cours à leurs élucubrations. Il est un fait que le romancier décrit cette île tantôt d'une manière attrayante, tantôt en fait une description redoutable et effrayante.

Quant à l'histoire de notre pays, elle n'est aux yeux de nos amis orientaux qu'une succession de guerres de tribus et de révoltes ininterrompues. Pour eux, notre histoire est celle de ces peuplades qui vivent encore à l'époque tribale dominée par l'esprit de clan, bien éloignée du monde civilisé et n'ayant pas encore atteint le stade de l'Etat-nation qui régit les peuples dans un esprit communautaire et délimite les droits et les obligations de chacun. Pour eux, nous ne sommes pas prêts, sur le plan de l'organisation sociale, de passer de l'état d'extrême simplicité dans lequel nous nous trouvons à celui doté de structures plus sophistiquées, et de l'autorité exercée par les chefs de clan à celle unificatrice du pouvoir monarchique. Mais, pourquoi vais-je en vouloir à nos amis orientaux, alors que c'est nous qui sommes à blâmer pour être restés les bras croisés dans notre île, et n'avoir rien fait pour expliquer notre situation à nos frères arabes, avec lesquels nous sommes liés par la religion et la langue, et leur montrer le degré que nous avons atteint dans le processus civilisationnel. Ils se sont liés à nous avec les publications qu'ils nous adressent tous les jours, tandis que nous, nous faisons preuve de laxisme, ne nous intéressons à rien et ne voyons aucun intérêt à promouvoir notre image auprès d'eux. Toute campagne de promotion et de publicité dans ce sens est considérée chez nous comme un bavardage aussi inutile qu'intempestif.

Je ne m'étendrai pas sur la délimitation des responsabilités et l'examen de concepts théoriques. Je voudrais tout simplement éclaircir une image que j'ai vue de mes propres yeux et qui s'est confirmée tout au long de ces quatre dernières années, quitte à ce que vous vous fassiez vous-mêmes une idée de ce que je vais vous relater et vous faire une religion à son sujet. Il me suffit à présent de vous transmettre cette image et de la divulguer dans un milieu comme le nôtre qui, comme je l'ai dit, ne croit pas aux vertus de la publicité, après quoi je serai curieux de savoir votre réaction. Equipons-nous d'ailes - ce qui n'est pas du domaine de l'impossible eu égard aux progrès réalisés par la science - et rendons-nous en Egypte, en Syrie ou en Irak. Installons-nous sur un rocher magique, qui permet de tout voir à partir de l'espace sans être vus, et scrutons ce que les hommes pensent et ressentent. Puis, imaginons-nous un Marocain habillé en djellabah de couleurs vives, au col superposé, en train de se promener cahin caha dans une avenue; et, pendant qu'il traîne les pas, il tombe sur ce jeune homme oriental vêtu à l'européenne, à la nouvelle mode parisienne de la saison d'été - et nous sommes en pleine saison estivale - portant un pantalon blanc, un gilet bleu et des souliers bicolores.

Le jeune homme jette un regard de dédain sur notre Marocain, qui vit toujours dans le passé en ne s'habillant pas au goût du jour, et qui ne se laisse pas influencer par la civilisation occidentale en continuant de porter ses habits traditionnels qui, quoiqu'ils soient de bon goût et présentent des avantages sur le plan de la santé, ne correspondent pas à l'esprit du temps en n'étant pas conformes à la mode européenne. L'oriental n'accorde aucune valeur à ce qui est oriental. Pour vivre dans les temps modernes, semble-t-il, nous devons nous débarrasser de tous nos aspects traditionnels et nous intégrer dans le mode de vie de l'occident qui nous rejette avec mépris. Le jeune oriental profère quelques mots déplacés à l'encontre du Marocain, sans se donner la peine d'apprendre quoi que ce soit de lui, ne sachant même pas s'il a moins de compréhension pour l'esprit du temps et le cours de l'évolution de la vie. Tout au plus, les habits qu'il porte ne sont pas européens, et lui-même vient d'un pays de l'extrême occident qui n'est pas l'occident. Notre jeune oriental s'imagine alors qu'un très grand fossé le sépare de ce rustre Marocain. Il continue son chemin en hâtant le pas tout en portant ses regards sur ses habits qu'il s'est procurés parmi les derniers cris de la mode européenne. Sa personnalité grandit à ses yeux, car il ne distingue plus une grande différence entre l'occidental et lui-même.

Puis, un individu du commun se met à observer notre Marocain, et une foule d'images se présente à son esprit. Tantôt il se l'imagine comme un sorcier qui transforme le fer en or dans le but de s'enrichir et d'assouvir ses ambitions, tantôt il voit en lui un ascète parmi les serviteurs élus de Dieu. Mais, lorsqu'il scrute sa mémoire des dix dernières années, il s'imagine le Marocain comme un révolté, un sanguinaire, sans domicile fixe, faisant partie des tribus nomades; et voilà notre jeune civilisé qui hésite entre la sorcellerie à laquelle il se sent attiré par convoitise, et la recherche des bonnes grâces d'un saint. Puis, il se ressaisit par peur de ce Marocain. Celui-ci poursuit son chemin, parlant à haute voix, sans se soucier des passants qui le regardent avec curiosité ni de ce qu'ils peuvent penser de lui. Il se dirige vers un commerçant et s'adresse à lui dans un dialecte marocain pur avec des idiotismes de son pays, le tout débité avec une grande rapidité, si bien qu'ils n'arrivent pas à se comprendre autrement que par des gestes. Quant aux femmes qu'il rencontre sur son chemin, elles sont tout étonnées et se font des clins d'oeil entre elles. L'une d'elles voulant qu'il s'adonne à un exercice de sorcellerie, provoque au milieu des autres femmes qui l'accompagnent une longue délibération à ce sujet, pendant que notre homme s'éloigne d'elles. Il n'est pas étonnant que cet homme à la djellabah qu'on fait passer pour un sorcier, puisse constituer leur sujet de conversation pendant toute la journée, alors que notre Marocain n'est qu'un simple pélerin ou un simple touriste pour qui le mot "sorcellerie" n'a pas plus de signification que celle que nous lui donnons vous et moi.

En orient, lorsque les charlatans veulent que les gens aient confiance en eux, ils prétendent être des Marocains, parce que le Maroc, dans l'esprit de la majorité des orientaux, se définit par une série de clichés groupant l'étrange et l'étonnant, le beau et le laid, et la vie au Maroc est dominée par les manifestations de sorcellerie dans tous ses aspects. Vous allez peut-être trouver cette constatation bien singulière. Aussi arrêtons-nous un moment à son niveau. La principale caractéristique attribuée au Marocain dans les milieux orientaux est qu'il est un maître sorcier qui évoque les démons à tout moment et a des hallucinations spiritistes. Tous les esprits répondent à ses appels, que ce soit sur terre ou au ciel. Dès que vous vous mettez à fréquenter ces milieux, vous commencez à entendre des propos et des histoires sur des individus qui s'attribuent la nationalité marocaine et qui jouent un rôle important dans leur vie sociale. Ces personnages s'adonnent au charlatanisme pendant un certain temps et y gagnent énormément d'argent sans avoir jamais été sorciers. Les seules qualités dont ils sont doués résident dans les observations précises qu'ils émettent, les réponses qu'ils ont toujours prêtes sur le bout de la langue et la faculté de bien comprendre la psychologie de leurs interlocuteurs. Voyons un de ces individus qui se prétend marocain dans un de ces rôles de charlatanisme.

Un jour, quelqu'un a acheté un objet dans une boutique et a remis au vendeur une pièce en or d'une valeur bien supérieure au prix qu'il devait payer et, sans attendre de recevoir la monnaie de la différence qui lui était due, il a continué son chemin, laissant perplexe le marchand, qui s'est mis à le suivre et à lui demander les raisons du peu d'intérêt qu'il manifestait pour les pièces d'or avec lesquelles il règlait ses achats. L'homme lui répondit qu'il pouvait garder la différence qu'il avait la bonne fortune de conserver comme part lui revenant, et que cette part ne représentait qu'une très infime partie des bienfaits du ciel dont Dieu l'avait comblé. Intrigué, le marchand a montré beaucoup d'intérêt pour cet homme étrange, et l'a invité à venir dîner chez lui. Le charlatan a bien sûr commencé par décliner cette invitation, mais a dû finalement céder devant l'insistance du marchand et accepter l'offre qu'il lui a faite. Le marchand cherchait absolument à comprendre comment son invité en était venu à avoir toutes ces pièces d'or auxquelles il n'accordait aucune valeur, et notre charlatan d'user de beaucoup de tact pour cacher son secret afin d'aiguiser davantage la curiosité de son hôte. Mais sur l'insistance de celui-ci, il a fini par l'informer qu'il avait des connaissances scientifiques très approfondies, et qu'avec des opérations de sorcellerie il était à même de transformer le fer, le cuivre et autres matériaux en or. Le visage du marchand a affiché une large expression de joie. Mais, le Marocain semblait avoir regretté de dévoiler son secret et faisait semblant de vouloir quitter sur le champ le domicile de son hôte, pendant que celui-ci le retenait et souhaitait qu'il restât en sa compagnie jusqu'à ce qu'il réalisât une de ses opérations chez lui. Cet entretien a duré longtemps entre les deux personnages, notre Marocain faisant semblant de vouloir garder son secret, tandis que son hôte voulait absolument s'enrichir par l'intermédiaire de ce prétendu sorcier marocain dont il attendait des prouesses mirobolantes. Finalement, le Marocain accède au voeu pressant du maître de céans à la condition de se servir de son domicile comme lieu d'expérimentation pour transformer le fer et le cuivre en or pur. Le Marocain fit alors signe de ramasser tous les objets de fer et de cuivre qui se trouvaient à la maison, de les mettre dans une grande casserole et de les placer sur le feu pendant trois jours d'affilée. En l'absence de son hôte, le Marocain ouvre la casserole et saupoudre la surface de l'eau avec un produit jaune de couleur aurifère. Puis, il ordonne d'éteindre le feu jusqu'à ce que la casserole refroidisse entièrement, et soit ouverte en présence des deux hommes. Lorsque le commerçant a vu la couleur du produit à la surface de l'eau, il s'est imaginé que tout le contenu s'était transformé en or, tandis que l'autre montrait une profonde tristesse et une grande affliction. Le commerçant lui demanda les raisons de son état. Il lui répondit que "l'opération avait entièrement réussi, mais ..." et il n'ajouta plus un mot. Le commerçant tout éberlué lui demanda: "Mais quoi?" Le Marocain lui répondit: "Je pense à quelque chose qui ne peut être réalisé ni par vous ni par moi. L'opération a certes été couronnée de succès, mais il lui manque une matière spéciale qui ne se trouve pas dans ce pays, et qu'on ne peut pas se procurer pour moins de 200 livres d'or othmaniennes" (soit plus de 22.000 francs). Et le commerçant de l'interrompre: "L'affaire est simple; je dispose de cette somme et je peux la mettre à votre disposition dans l'intérêt du projet". Notre Marocain afficha un grand sourire, et le commerçant est allé en toute hâte à son coffre-fort et lui a remis la somme en question. Le sorcier présumé est donc parti en voyage pour aller acheter la matière supposée manquante, non sans avoir au préalable caché la casserole dans un lieu fermé et conseillé au commerçant de ne pas l'ouvrir pour ne pas déranger le processus de l'étrange opération de sorcellerie. Des jours et des nuits se sont écoulés sans que le Marocain ne donnât signe de vie. Il est possible que notre commerçant ait gardé un brin d'espoir bien qu'il ait fini par penser qu'il a été l'objet d'une escroquerie caractérisée.

Peut-être êtes-vous étonnés par cette aventure et la considérez-vous comme faisant partie du domaine de l'imagination. Mais, si vous passez ne serait-ce que quelques jours en Orient arabe, vous serez persuadés qu'elle n'est qu'une image miniaturisée de l'idée de ruse et de sorcellerie dont on affuble le Marocain dans ces milieux. Et pour que vous en soyez encore plus convaincus, je vous annonce qu'une aventure pareille à celle-ci est arrivée entre un Marocain et le prince d'un Emirat des contrées orientales au lendemain de la grande guerre. Ce prince a dépensé une somme fabuleuse en livres-or pour avoir la possibilité de faire fortune de cette manière.

Maintenant, le moment est venu d'aborder un autre aspect de l'image du Marocain en Orient, mais auparavant, je voudrais formuler une observation et dire qu'un Marocain, à qui on présenterait un sorcier de cette espèce de charlatans pour le tenter avec le brillant de son or, ne se laisserait pas abuser à mon avis. J'en veux pour preuve l'inexistence de ce genre d'histoires dans notre milieu, alors qu'au sein des familles orientales, elles sont monnaie courante, et les gens abordent toujours ce sujet avec un étonnement mêlé d'une crédulité et d'une croyance aveugle aux capacités magiques du Marocain. Nous nous limitons ici à la fausse sorcellerie et aux pseudo sorciers, afin de pouvoir décrire la réaction de l'oriental lorsqu'il se trouve en présence de cet homme à la longue djellabah et aux babouches jaunes. Cette image nous permettra de saisir la réputation du Marocain en milieu oriental. Mais, passons à l'autre aspect de la question, à savoir comment l'oriental s'imagine le Maroc.

Hélas! Mon pays, tu n'as pas de chance, même auprès des nations avec lesquelles tu es lié par une communauté de langue, de religion et de destin. Elles t'attribuent une image qui fait mal quand on se rend compte qu'elle fait partie du jugement qu'elles portent sur nous. Mais, l'intellectuel marocain aura un remords de conscience en se rendant compte qu'il n'a rien fait pour promouvoir l'image de son pays, qui est pourtant le fruit d'une histoire prestigieuse et d'une civilisation florissante. Dans l'esprit de la grande majorité des orientaux, nous autres citadins vivons encore sous des tentes et notre part de civilisation ne dépasse guère celle des fellahs dans leurs contrées respectives. Nous menons une vie qui ignore la beauté naturelle. Où sont donc nos somptueux palais? Où est le magnifique art architectural marocain? Où sont nos historiens, nos savants? Où sont les éternels vestiges que nous avons hérités des Almohades, des Mérinides, des Saâdiens, des Alaouites? Les orientaux ne rêveraient même pas que de tels vestiges pûssent exister dans le pays des Oméyades et celui des Abbassides. Mais, ne voyez-vous pas que ces vestiges sont dans notre pays enveloppés dans un linceul mortuaire. On en ignore les emplacements et la valeur. Certains parmi nos jeunes intellectuels leur dénient aujourd'hui le caractère prestigieux qu'ils incorporent.

Ainsi, non seulement nous ne faisons rien pour conserver notre glorieux héritage, mais nous le jetons en bloc dans le coin des rebuts. Nous n'accordons aucun intérêt à notre passé pour pouvoir affronter l'avenir avec un regain d'espoir, pour franchir l'obstacle du présent la tête haute, et avec la détermination de quelqu'un qui est fier de ses acquis civilisationnels. Nous ne sommes pas vraiment conscients de la valeur de cet acquis pour le considérer comme l'anneau qui relie, sur le plan artistique et social, la civilisation du moyen-âge qui était florissante sur cette rive de la Méditerranée et la civilisation contemporaine qui fleurit sur l'autre rive. Plus nous nous éloignons de notre contrée, plus notre image se flétrit et se déforme dans l'esprit des gens. En ce qui concerne notre vie artistique, nos frères orientaux n'en ont aucune idée précise. Cet aspect de notre vie est totalement inconnu, y compris des Marocains eux-mêmes. Nous ne cherchons pas à développer notre goût ni à cultiver en nous les valeurs esthétiques qui donnent un sens au sentiment de la beauté. Notre rapport avec la vie artistique est un rapport de routine et d'habitude sans plus. Tout ce que les Egyptiens connaissent de notre patrimoine artistique se résume en quelques fragments de musique marocaine, depuis que les amateurs de ce bel art ont eu l'occasion d'assister à des représentations données par une troupe marocaine au festival de musique qui a été organisé il y a deux ans au Caire. Là aussi, il m'a été pénible de constater que l'image laissée par la participation du Maroc était complètement déformée et ne reflétait en aucune manière le passé de la belle musique marocaine andalouse. La performance de cette troupe marocaine était loin d'atteindre le niveau de l'art musical marocain tel qu'il s'est manifesté avec l'avènement de notre renaissance artistique et scientifique.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte d'exposer l'image que se fait l'orient arabe du Maroc et des Marocains pour souligner, aux termes de ma causerie de ce soir, que nous commençons à remarquer l'émergence d'un sentiment de fraternité chez les intellectuels orientaux, grâce en particulier au réveil patriotique et à l'unité d'orientation vers laquelle tendent tous les peuples arabes ces derniers temps. Il est également de mon devoir de rendre hommage à la presse arabe pour ce qu'elle publie sur le Maroc et les progrès qui y sont réalisés sur le plan du réveil politique et culturel, ce qui lui fait dire qu'elle envisage l'avenir avec beaucoup d'optimisme. Je formule le souhait que les Marocains font tout pour atteler le Maroc à la nation arabe, dont il est à espérer qu'elle atteindra un très haut degré civilisationnel dans un très proche avenir. Je suis persuadé qu'elle s'orientera vers le bien de l'humanité au sens le plus noble du terme, et qu'avec cette orientation, l'image déformée que les milieux de l'orient arabe ont du Maroc et des Marocains finira par devenir évanescente.

Un mot pour terminer avant de quitter cette tribune: Je n'ai cité aucun texte de référence à l'appui de ma présentation de l'image que se fait l'orient arabe du Maroc et des Marocains. La raison en est qu'aucun auteur parmi les principaux acteurs intellectuels de la renaissance arabe contemporaine n'a édité quoi que ce soit sur notre pays et qu'aucune plume orientale ne s'est donnée la peine de rédiger un seul article sur l'une ou l'autre des multiples facettes de notre vie artistique et sociale. Tout ce que j'ai évoqué dans ma causerie de ce soir n'est que le résultat de témoignages et d'observations qu'il m'a été donné de faire au courant de mon séjour en Orient arabe. Je fais donc appel à votre indulgence, mes chers camarades.