Londres, le 12 octobre 1929
Chers camarades,
en avant! Vers les cimes de la gloire, enfants de la patrie qui mérite tous les sacrifices!
Levez-vous et prenez votre courage à deux mains pour faire triompher la noblesse de votre cause et la justesse de vos idées. Il est temps d'accueillir une nouvelle ère de progrès et de laisser derrière nous la paresse et l'immobilisme auxquels nous étions habitués. Oui, levons-nous à partir de cette heure et mettons-nous au travail dès aujourd'hui. Nous nous sommes lassés de la situation dans laquelle nous nous trouvions. Aiguisons le fil de notre épée en vue de l'action. Redoublons d'effort. Naviguons en demandant à Dieu de conduire notre embarcation à bon port. Hâtons-nous vers les cimes de la gloire. Saisissons d'une main de fer notre unité confessionnelle et nationale. Soyons une seule âme dans différents corps. Cela ne sera guère difficile à réaliser si nous ôtons le vice de nos poitrines et que nous nous vêtissions d'une parure de vertu et de dignité. N'avons-nous pas la même devise et le même objectif? Nous nous soucions tous d'élever le prestige de notre nation digne de tous les sacrifices. La seule différence qui nous distingue les uns des autres est que nous utilisons des moyens divers et disparates. Chacun de nous voit ce que l'autre ne voit pas pour atteindre le but fixé qui demeure le même pour tous. Mais, la raison qui préside à notre union, et que rien ne saurait disloquer, tient à ce que nous cherchons tous à ressusciter notre prestige d'antan et à rebâtir l'édifice de notre nation et de notre patrie que nous aimons par dessus tout. Donc, que faire? Quel moyen utiliser pour atteindre ce noble objectif et ce but suprême? Le meilleur moyen dont nous disposons pour atteindre notre objectif est de nous unir et de serrer les rangs. Le meilleur moyen est de nous éloigner des luttes partisanes. Laissons les luttes sectaires derrière nous et soutenons celui qui administre nos affaires avec loyauté et honnêteté et dont l'unique souci est de se mettre au service de l'intérêt général avec abnégation et de remplir en toute bonne foi la mission dont il assume la lourde charge. Eloignons-nous des querelles d'opinions et de la divergence des principes qui animent les uns et les autres. L'essentiel est que l'unité de notre objectif crée une affinité élective entre nous et nous incite à défendre les idées justes et les opinions éclairées. Nul doute que si nous prenons en considération ces conseils, que nous marchions côte à côte et que nous nous engagions avec le même élan dans des actions mûrement réfléchies et approuvées par tous, le succès sera indéniablement de notre côté, le progrès nous sourira dans toutes nos entreprises, et nous serons en mesure de faire un grand bond en avant en un temps record.
Chers camarades,
Ce qui rafraîchit le coeur et le comble de plaisir et de joie est la patience à toute épreuve dont nous avons fait montre, ainsi que la force de volonté qui nous a animés jusqu'ici. Nous avons fait preuve de ténacité et d'endurance qui font honneur à notre club littéraire. Cette ténacité et cette patience à attendre pendant plus de deux ans l'autorisation du Gouvernement ne sont-elles pas la démonstration d'une attitude de dignité que le Seigneur a bien voulu combler de ses bienfaits en nous permettant de réaliser notre objectif? Notre patience n'a pas été vaine et notre ténacité nous a apporté un gain énorme avec l'autorisation qui vient d'être accordée à notre Club Littéraire dont l'existence est désormais reconnue officiellement. Nous devons redoubler d'effort et travailler jour et nuit pour lui imprimer un nouveau souffle de vie et l'aider à atteindre le plus haut degré de nos aspirations et de nos attentes, tant il est vrai que celui qui travaille et se donne de la peine est condamné à réussir. Maintenant, les affaires du Club sont entre nos mains. Nous en assumons l'entière responsabilité. S'il va de l'avant et arrive à se tailler sa part du progrès, ceux qui veillent sur son fonctionnement seront à féliciter, quoiqu'on ne doive pas l'être quand on accomplit un devoir. Mais, si nous nous livrons à la paresse - que Dieu nous en préserve - la responsabilité de l'échec nous incombera et nous aurons à en supporter les conséquences. Deux ans se sont écoulés depuis que le Club Littéraire a été créé. Il est passé par le stade de l'enfance et de la croissance - et le propre de toute croissance et de toute ascension est qu'au début la route en est parsemée de difficultés et qu'on est obligé de surmonter beaucoup d'obstacles. Mais, malgré celà, nous avons accueilli cette phase à coeur-joie. Qui oublie ou veut oublier les crises quasi insurmontables et les problèmes souvent insolubles que notre Club littéraire était appelé à affronter depuis que nous avons pris la décision de le créer? Il en est ainsi de toutes les activités qui en sont encore à leur début, qu'elles soient grandes ou petites.
A tous nos chers camarades, nous présentons nos plus vives félicitations pour avoir obtenu gain de cause et réalisé ce que nous avons revendiqué depuis fort longtemps. Nous remercions ceux qui ont apporté l'assistance nécessaire à notre club et lui ont permis de réussir dans sa mission, et en particulier le Président Abou Bakr Sbihi pour tous les efforts qu'il a déployés au service de notre jeune institution. Qu'il veuille bien trouver ici l'expression de notre plus chaleureuse reconnaissance. En dernier lieu, nous félicitons tous nos camarades pour le magnifique et étonnant succès qu'ils ont remporté avec la représentation de la pièce "Au service de la Couronne". Nous eussions tant souhaité être parmi vous au moment de la présentation de cette pièce. Puisse notre Club Littéraire être le lieu idéal où se nouent les liens d'amitié et de fraternité entre les jeunes Marocains.