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Je suis né le jeudi 29 fevrier 1912 - 11 rabia 1 1330 -. A l'âge de cinq ans, mon père m'a fait entrer en compagnie de mes frères dans une petite école coranique attenante à notre maison. Je suis resté dans cette école jusqu'au jour où, environ deux ans après, mon père a jugé utile d'engager un maître pour venir nous donner des cours particuliers à domicile; mais j'ai omis de dire que pendant toute cette période je n'ai pas appris grand'chose en raison des très mauvaises méthodes d'enseignement pratiquées dans cette école. Lorsque nous avons commencé à étudier à la maison, nous sommes devenus comme des prisonniers, sinon pire. Sans doute entrait-il dans les intentions de notre père de nous éduquer, mais il n'était pas conscient du tort que ce genre d'éducation pouvait nous causer à notre jeune âge et en ignorait peut-être les conséquences, ce qui le rendait exempt de reproches. Je passais ainsi des jours à m'occuper de choses futiles et sans grand intérêt pour ce que je devais recevoir comme formation dans cet établissement traditionnel. Cette situation a duré plus de deux ans au cours desquels j'ai à peine appris quelques rudiments de l'alphabet. Puis, après une discussion animée entre mon frère aîné et le maître, celui-ci s'est mis à son compte, et nous avons commencé, les autres élèves et moi-même, à fréquenter son établissement où, après une certaine période, nous avons appris à lire et à savoir par coeur une sourate du coran, ou plutot la moitié d'une sourate, car il était de mon tempérament de ne rien apprendre dont je n'eusse d'abord bien compris le sens.

Lorsque j'ai atteint l'âge de neuf ans, Salé a connu l'ouverture de quelques écoles. Mon père voulait nous y inscrire, mais il n'a pris la décision de le faire que deux mois après la clôture des dates d'inscription, si bien que la seule possibilité qui lui restait était de nous y inscrire pour une demi-journée, quitte à ce que nous continuions à consacrer l'autre demi-journée à apprendre le coran chez notre maître initial. Celui-ci, d'ailleurs, ne tarda pas à être désigné pour enseigner le coran à l'école, et c'était pour nous une occasion inespérée pour le suivre. Nous avons commencé à apprendre les règles de grammaire, les préceptes religieux et le coran.

Ici, je voudrais prendre la liberté de parler de cette école où j'ai passé une tranche importante de mon enfance sans apprendre autre chose que des futilités. J'y ai suivi les cours de la seconde demi-journée, et me suis trouvé devant un maître nommé Benaboud qui enseignait la grammaire et les préceptes de l'Islam à la manière ancienne, malgré les quelques améliorations qu'il s'était donné la peine d'apporter aux méthodes de l'enseignement traditionnel. Il nous a fait apprendre par coeur quelques règles de grammaire réduites, il est vrai, à leur plus simple expression pour qu'elles soient à la portée des élèves du niveau de la classe primaire où nous étions inscrits. Puis, lorsque les cours ont pris fin, j'ai pu retenir tout ce que j'ai appris et j'étais même l'un des premiers de la classe.

Puis, l'école a changé de lieu pour s'installer dans une maison léguée par le notable Ahmed Sabounji à l'Administration des Habous pour servir d'école. Là, les classes ont été réparties entre les trois grandes pièces disponibles, et je faisais partie du groupe d'élèves de la première classe. Ainsi, le matin, notre ancien maître nous apprenait le coran. A 11 heures, c'était le tour du maître d'éducation religieuse qui nous familiarisait avec les oeuvres didactiques de base. A 14 heures, nous nous rendions à l'école pour suivre les cours de grammaire; et je dois dire que la grammaire était la matière qui a le plus excité notre intérêt, car nous passions le plus clair de notre temps, pendant et après les cours, à nous exercer dans les analyses grammaticales.

A la fin de l'année scolaire, la direction de l'établissement a eu l'idée d'organiser un examen général en présence des parents d'élèves, des notabilités de la ville et des représentants du Makhzen. Le hasard a voulu que je sois le premier à être interrogé parmi les élèves de la première classe; je tremblais de tous mes membres en voyant tout ce monde qui m'entourait, mais j'ai répondu convenablement aux questions que le maître m'a posées, ce qui a contribué à diminuer l'état de tension dans lequel je me trouvais. Puis, c'était au tour d'un autre élève qui était assis à ma droite, qui s'appelait Mekki Aouad, à prendre ma relève; et lorsque les interrogations ont pris fin, les élèves se sont succédés sur l'estrade pour prononcer les allocutions qu'ils ont préparées pour cette occasion, et je dois reconnaître que l'élève Mekki Aouad précité a fait preuve d'un grand talent d'orateur, forçant l'admiration de toute l'assistance par son aisance et sa facilité d'élocution. Les allocutions tournaient autour des mêmes thèmes, à savoir le souhait de bienvenue à toutes les personnes présentes et les prières à l'adresse du Seigneur pour ménager à tous les élèves de la classe un avenir florissant.