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Almaghrib - 21 juin 1937

Nous sommes maintenant en pleine session des examens. Cette période revêt un caractère d'une extrême gravité dans l'ordre de priorités des nations civilisées qui connaissent la valeur de la science. Mais quelle est la nation qui, de nos jours, n'accorde aucun intérêt à la propagation des connaissances et ne reconnaît pas l'impact qu'elle exerce sur les différents aspects de la vie, mis à part ce pays, dont une partie de ses ressortissants cherche à s'abreuver des sources du savoir et ne trouve personne pour l'encourager dans cette voie, que ce soit au niveau du peuple ou de celui des pouvoirs publics? Cette insouciance grandissante empêche de discerner la moindre trace de l'avènement de cette importante session sur une jeunesse préoccupée par l'avenir et dépositaire du lourd héritage du passé. La période des examens n'a aucun retentissement sur le milieu marocain; la classe intellectuelle accorde peu d'intérêt aux succès comme aux échecs des candidats, comme si l'avenir des enfants marocains ne concerne que les intéressés eux-mêmes et que l'enseignement ne représente qu'un aspect secondaire dans le cours de leur existence.

Pendant que j'écris ces lignes, je parcours du regard une correspondance de Fès sur les examens à la Karaouiyine et l'état rétrograde de cette université autrefois source de lumière et haut-lieu du savoir. Cette chute incompréhensible exige que les intellectuels se penchent sur son cas et soumettent l'étude de ses problèmes à une réflexion approfondie. Le nombre de candidats aux examens de la Karaouiyine diminue d'année en année au point où il se compte actuellement par dizaines, alors qu'il se comptait dans un passé récent et lointain par centaines et, pendant certaines périodes de son histoire, par milliers. Le nombre des inscrits a à peine atteint le chiffre de 126 candidats, toutes classes et niveaux d'études confondus, tandis que dans certaines classes, il ne s'est pas présenté un seul candidat à l'examen.

La faute est-elle à imputer au système de l'enseignement qui y est adopté, ou bien au manque d'encouragement aux étudiants issus de cette université, ou à une autre cause? C'est ce que je propose à la réflexion de ceux pour qui l'avenir de l'enseignement au Maroc constitue une priorité dans l'ordre de leurs préoccupations, avec l'espoir qu'ils le soumettent à une étude attentive qui permettrait de dégager et d'enrayer les causes ayant entraîné notre université dans le gouffre où elle s'est précipitée.