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Almaghrib - Texte mutilé auquel manque la partie portant le nom du journal et la date de parution, mais il s'agit sans doute d'un article publié dans la foulée des articles consacrés à la Karaouiyine au mois de mars 1939.

Quid de la Karaouiyine? Les Marocains ont lu avec beaucoup d'intérêt les détails rapportés par le journal "Almaghrib" sur le projet de construction de la grande université Al Azhar, tels qu'ils ressortent du rapport de la commission financière chargée de l'étude du dossier, avec une estimation de dépenses de l'ordre de 608.000 guinées. Le montant de cette estimation équivaut à 100 millions de francs, soit plus du dizième du budget de l'Etat marocain.

Lorsque le Marocain prend connaissance de ce budget, il s'interroge le plus naturellement du monde sur la situation de l'université de la Karaouiyine qui a été fondée bien avant Al Azhar, et qui était pendant longtemps en compétition avec elle sur le plan scientifique, et se demande si la part qui lui revient doit toujours se limiter à un modeste budget annuel qui lui est attribué sur les fonds des habous.

Pas un dirham n'est investi par l'Etat dans cette prestigieuse université qui a rendu d'éminents services à notre histoire culturelle, alors que des dizaines de millions sont dépensés sur le budget marocain pour financer des projets susceptibles ou non d'intéresser le pays. Des sommes énormes sont englouties chaque année dans la réfection des équipements des écoles françaises. Si une partie de ces dépenses était investie dans la Karaouiyine, celle-ci verrait diminuer le poids de l'indigence et du dénuement qui occupent les esprits des étudiants et leur font entrevoir l'avenir sous son aspect le plus sombre. Tant que les dépenses de notre université restent tributaires des fonds des habous, la Karaouiyine ne pourra pas remplir sa mission vis-à-vis de la génération actuelle. Le budget des habous a, de tout temps, été un budget spécial, tirant ses ressources de la location de ses biens immobiliers ni plus ni moins.

L'Etat se doit donc de participer à ses dépenses en prenant en charge une partie des frais qui lui incombent, en contrepartie de sa contribution au relèvement du niveau scientifique des jeunes Marocains. Il revient à l'Etat, non aux particuliers et aux associations, d'assumer l'entière responsabilité de l'enseignement, surtout dans un pays arriéré comme le nôtre, où il faut accorder un intérêt particulier à ce secteur prioritaire, qui permet au pays de progresser et qui doit passer avant la réfection des routes et l'embellissement des avenues.

L'Egypte mérite tous les éloges pour les efforts de diffusion du savoir qui y ont été entrepris tant par le gouvernement que par la population. Les compliments s'adressent, par delà l'Egypte, à tous les pays de culture arabe et à tous ceux de confession musulmane, parce qu'Al Azhar passe pour la plus grande des universités islamiques qui ont secoué la poussière de l'immobilisme et ont commencé à concurrencer les universités modernes. Le peuple égyptien, qui est fier de son université, soutient son gouvernement dans toutes les actions entreprises en sa faveur pour qu'elle devienne l'université de l'Islam.

Quand arrivera le tour de notre université? Quand notre gouvernement va-t-il déployer un effort, même minime, pour lui assurer une évolution conforme à l'esprit de notre époque, et lui rendre le prestige dont elle était auréolée au cours de notre passé islamique? Quand allons-nous voir s'instaurer une franche coopération entre le peuple et le gouvernement dans cette mission qui revêt une importance capitale dans le cours de notre histoire intellectuelle pour que la Karaouiyine devienne la seconde université de l'Islam et entre en compétition avec Al Azhar dans l'arène scientifique?

Telles sont les questions que se pose tout Marocain lorsqu'il voit l'engouement du gouvernement et du peuple égyptiens pour leur université, et constate que le peuple marocain et son gouvernement ne portent aucun intérêt à la Karaouiyine. Fasse Dieu que l'avenir nous détrompe et nous engage dans la voie d'une véritable réforme des structures de notre université et de ses méthodes d'enseignement. Tel est du moins notre espoir. Tel est l'avenir auquel nous rêvons.