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Almaghrib - 1ère année - No 13 - 14 mai 1937

Chaque année, à l'approche du 16 mai, les Marocains se préparent à commémorer cet évènement qui a tracé une ligne de démarcation dans leur histoire, en suscitant en eux deux sentiments très différents l'un de l'autre. Ce jour-là, la grâce et la volonté divines se sont exprimées; les initiatives individuelles ont pris une tournure officielle; la nation s'est réveillée et a pris racine dans la vie.

Le Maroc n'a cessé d'être une entité religieuse, une nation souveraine et une autorité gouvernementale dotée de pouvoirs depuis l'avènement de ce grand roi qui domine le Maroc du haut du mont Zerhoun, dont la conduite a été entièrement inspirée de la loi et de la foi musulmanes, qui ont conquis le coeur de tous les Marocains, résisté aux vents les plus tempétueux et fait face aux évènements les plus capricieux et imprévisibles.

Les Marocains ont choisi l'Islam pour religion et se sont soumis à ses normes et à ses préceptes qui tirent leur substance globalement et séparement de l'autorité incontestée de l'esprit et prescrivent un système idéal de valeurs sur le double plan matériel et spirituel.

D'aucuns, sans cependant y être contraints, ont essayé de semer des chimères dans l'esprit des gens en étayant leurs dires par des assertions sans fondement. Ils ont tissé depuis plusieurs décades des fils qui ressemblent à ceux d'une toile d'araignée sur lesquels ils ont essayé de fonder leurs allégations. Celles-ci se sont mises à prendre de l'ampleur au point qu'elles ont fini par devenir une quasi réalité dans l'esprit de leurs auteurs, qui se sont laissés ainsi duper par celà même qui leur a servi à gruger les autres, et qui n'est rien d'autre que le fruit de leur imagination.

Les Marocains ont accueilli ces allégations avec mépris et ne se sont jamais imaginés qu'elles pourraient, un jour assez proche, constituer la base d'une politique nouvelle dont non seulement quelques individus mais même certains organismes officiels allaient se réclamer. Ils ont été surpris et étonnés car, pour eux, celà n'a jamais existé et n'existera jamais. Mais il leur a suffi de jeter un regard autour d'eux pour se voir devant le fait accompli et se rendre compte que la politique berbère, qui a été alimentée par toutes ces assertions, a engendré le dahir du 16 mai.

C'est alors qu'ils ont affronté cet outrage avec courage et détermination, que la nation avec toutes ses composantes sociales a exprimé son indignation et que les évènements ont commencé à prendre le cours que nous leur connaissons. Ce n'est qu'à partir de ce moment que les responsables et la jeunesse intellectuelle ont compris que de telles perspectives étaient de nature à mettre en danger le climat des relations que la nation entretient avec son gouvernement.

Le dahir du 16 mai a provoqué une réaction en chaîne, à la suite des prétentions de certains individus qui ont eu des résultats désastreux. Puis, le temps a fait son oeuvre; et la question du 16 mai a été connue autant par son inanité que par le néant auquel elle s'accordait. La plupart des responsables ont fini par reconnaître, qui entre quatre murs, qui au vu et au su de tout le monde, que des erreurs ont été commises et qu'il fallait les réparer.

Après une longue attente, seul le paragraphe 6 du dahir a été amendé. Faut-il en conclure que les évènements auxquels il a donné lieu n'ont pas assez fait la lumière sur les erreurs de la politique berbère? Nous fondons de grands espoirs sur le gouvernement actuel pour qu'il saisisse mieux les données du problème que les gouvernements précédents, et se fasse une idée plus juste de la gravité de la situation, afin de faire disparaître des pages de son histoire les traces d'une telle politique.

Les Marocains se souviendront chaque année, à l'occasion du 16 mai, qu'un évènement d'une extrême gravité pour leur existence a eu lieu, et que ce jour-là ils ont eu un sursaut de conscience, et se sont tous mis à espérer que le gouvernement fera en sorte d'extirper le mal par la racine, seul moyen de mettre fin au mécontentemnent général. Ce faisant, le gouvernement serait alors en mesure de gagner la sympathie et l'adhésion de toute une nation.