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Almaghrib - Texte rédigé au lendemain de l'éclatement de la seconde guerre mondiale fustigeant les cruautés de la guerre

On dit que l'espèce humaine a vécu pendant des siècles et des siècles sous la loi de la jungle, se querellant et luttant pour survivre, à l'instar des animaux qui luttent les uns contre les autres et s'entretuent. Mais l'être humain, qui est doué de raison et d'une grande sensibilité, est vite sorti de cet état primitif en se civilisant, et n'a pas tardé à créer un nouveau monde fondé sur des lois et des réglements qui lui ont permis de soumettre l'espèce animale à son autorité, prétendant être à l'origine de la civilisation et faisant remonter sa lignée à un niveau jamais atteint.

Toutefois, il ne s'est pas contenté de se servir de cet arsenal de lois et de réglements comme d'un voile pour dissimuler ses ambitions originelles d'exploiter l'espèce animale, mais il a fait preuve à tout instant, après avoir quitté la vie de sauvage, qu'il n'en a pas moins gardé le souvenir de la loi de la jungle, qui donne au plus fort la licence d'asservir, voire de tuer le plus faible.

Que fait l'humanité aujourd'hui? Elle est toujours en guerre, comme au temps de la vie de la jungle, luttant et s'entretuant, non pas avec des bâtons ou des épées, mais avec de puissants moyens de destruction et des substances toxiques dévastatrices. Mais ce qui est pour le moins inquiétant est que les êtres humains se cachent derrière des paroles mielleuses, les uns disant qu'ils luttent au nom de la liberté, d'autres qu'ils combattent Dieu sait à quoi l'honneur les oblige. Mais les uns et les autres ne sont en réalité qu'une réminiscence de cet être de la jungle porté à combattre et à faire couler le sang pour satisfaire les instincts qui le dominent et le déterminent dans son action.

Le monde entier se présente de nos jours en deux rangées dressées l'une en face de l'autre, comme les groupements primitifs de la veille. Leur raison d'être est le goût de la conquête et l'esprit de destruction. Lorsque l'homme donne libre cours à son instinct animal, il commence par affronter les cruautés de la guerre avant d'être lui-même victime de ses atrocités, et se met alors à maudire les circonstances qui l'ont poussé à ce carnage. Mais lorsque la chance lui sourit, il oublie les horreurs de la guerre et ses lots de misère, et se remet à penser à un nouveau carnage encore plus terrible que le précédent.

Tel est le sort de l'humanité citadine. Il ressemble étrangement à celui des animaux de la jungle. La seule différence qui existe entre les deux espèces est que la première dissimule ses tendances derrière les mots, tandis que la seconde est plus franche et n'a de cesse qu'elle n'eût exécuté ce qui lui a été prescrit, sans opposer la moindre résistance à la volonté divine.