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9 juin 1938

Nous ne sommes rien d'autre que des esclaves de tradions, férus d'histoires anecdotiques et portés par un courant à vau-l'eau où la liberté individuelle et collective est totalement absente. Nous nous interdisons toute critique, voire toute forme de pensée, quelle qu'elle soit... Nous devons (pourtant) apprendre que la critique est un facteur important dans la recherche de la vérité, autant qu'un stimulant pour l'approfondissement des connaissances.

Extraits d'un discours prononcé dans un rassemblement patriotique en 1936

La liberté se confond avec l'être dans le droit qu'il possède par nature d'agir sans subir de contraintes extérieures. Elle englobe aussi bien l'individu que le corps social auquel il appartient et contribue à l'épanouissement des groupements et des associations.

Comme le Maroc est privé de toutes sortes de libertés, privées et publiques, civiles et politiques, ses affaires se traîtent à son insu, dans un climat éhonté de suspicions et de malversations, pendant que les hommes intègres végètent en marge de la société et n'arrivent pas à trouver une orientation valable pour exercer une quelconque activité. De nos jours, le Maroc est le seul pays qui soit soumis à un arsenal de lois injustes, édictées de mauvaise foi, et reste attaché à des traditions désuètes, remontant loin dans la nuit des temps.

[...]

Il est indéniable que la liberté politique prime toutes les autres libertés. Elle est à l'origine du sentiment que l'on a à défendre ses revendications et à accomplir ses devoirs en citoyen honnête, jouissant d'une totale sérénité d'esprit. La liberté politique est le fondement de la vie moderne. Elle oriente la nation vers les sentiers du succès et dévoile aux individus les secrets de l'organisation de la société et de l'esprit de solidarité qui s'instaure entre ses membres. Elle barre la route au despotisme, rétablit les victimes de l'injustice dans leurs droits, allège les souffrances des pauvres gens et protège de l'arbitraire qui impose son pouvoir au milieu social dès lors qu'il se trouve privé de liberté, l'empêche de jouir de ses droits et lui extorque sa part de cet air pur sans lequel il ne peut en aucune manière accéder au niveau de développement et de progrès auquel il aspire.

[...]

Notre première revendication est d'obtenir l'accord des Autorités concernées de créer une presse marocaine qui soit le porte-parole de l'opinion publique de ce pays. La presse que nous revendiquons aujourd'hui et qui verra le jour quels que soient les sacrifices que nous serons appelés à consentir pour cela et quels que soient les obstacles que l'on dresse sur notre chemin pour nous empêcher d'atteindre notre objectif, est de nos jours le moyen unique dont dispose notre nation pour se tailler sa place au soleil, assurer son existence et veiller à ce qu'elle mène une vie de dignité. Ce n'est que par le biais de la presse que notre nation pourra faire le premier pas vers la suppression du rideau qui lui cache la lumière.

Si une autorité quelconque décide de combattre cet instrument efficace entre tous, nous ferons tout pour réduire cette politique d'asservissement à néant. Nous lui montrerons, preuves à l'appui, que nous sommes un peuple digne de vivre, que nous n'acceptons de vivre que dans la liberté et qu'il ne nous est pas possible désormais de laisser notre pays végéter dans cet air empoisonné. Nous ferons en sorte de dénoncer, dans le respect de la légalité, toutes ces misères qui sont imposées au peuple jusqu'à ce qu'il soit libéré de l'emprise de l'injustice et de l'arbitraire.

Nous devons nous préparer pour le jour décisif où nous serons appelés à prendre notre liberté de nos propres mains, car il est possible d'admettre qu'une réforme ou un type d'organisation se donne, mais la liberté, elle, ne se donne pas, elle se prend.

Fragment d'un texte inédit daté de 1937.

La nation dénonce les excès de pouvoir dont l'objectif est d'aboutir à une usurpation pure et simple de ses droits les plus sacrés. Il est temps que cessent les pratiques des saisies arbitraires et des avertissements sans fondement. Il est temps de donner compétence de juridiction pour toutes les affaires concernant la presse à des tribunaux qui connaissent la mission dont elle est investie et l'apprécient à sa juste valeur.

Le journaliste marocain n'est pas cet individu qui commet des crimes relevant des tribunaux militaires. Sa mission n'est autre que de se mettre au service de la nation et des pouvoirs publics en employant toutes les ressources de son intellect à trouver une plateforme d'entente franche et loyale entre gouvernants et gouvernés.