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Almaghrib - No spécial à l'occasion de la commémoration du 1er anniversaire de la disparition de Saïd Hajji - 6ème année - No 1189 - 11 mars 1943

Nombreux sont les êtres qui passent tous les jours de vie à trépas, et dont la disparition n'exerce qu'un impact insignifiant dans un environnement limité. Puis, passé quelques jours, leur mémoire s'effrite, et tout ce qui en reste comme bien ici-bas est une tombe étroite dans laquelle ils échappent au regard des vivants. Plus rien ne subsiste de leur vie commune. Les liens qui les unissaient sont définitivement rompus. Les vivants font comme si de rien n'était, continuent de mener leur vie après avoir remis le compteur de leur mémoire à zéro. Ils reprennent leur petit train de vie, continuent de vaquer à leurs occupations et de s'adonner à leurs divertissements comme ils le faisaient avant d'être affectés par le sinistre. Ils retrouvent leurs énergies dans les amusements tout comme par le passé, s'accommodant du vide laissé par la mort de l'un des leurs.

En revanche, rares sont ceux, parmi les humains, dont la disparition du défunt est le prétexte d'un deuil national, qui ne sont pas plongés dans un profond désarroi qui gagne tous les foyers, fait monter partout les larmes aux yeux, affecte et consterne toute la nation. Le secret de ce phénomène tient à ce que le disparu ne s'appartenait pas, mais était une propriété indivise commune à toute la nation, cette grande famille qui se reclamait de lui à parts égales, qu'il s'agisse de ses proches ou de ses lointaines connaissances, de ses intimes et de ceux qui n'ont aucun prétexte de familiarité avec lui.

C'est alors que la conscience de la nation se réveille - et elle ne se réveille que dans les situations d'une telle gravité - déplore la perte d'un être auquel on n'est uni ni par les liens de parenté ni par une quelconque relation familiale, mais par des attaches morales que le Créateur a établies entre le milieu social et l'un de ses membres qui s'est entièrement dévoué pour lui et qui a mis toute son ardeur à le servir. Cet amour caché que des milliers de coeurs vouent au disparu se matérialise dans cette grande émotion et ces lamentations qui s'élèvent des coeurs meurtris ainsi que de ces regards abattus plongés dans la torpeur.

Il suffit d'un clin d'oeil - le temps de l'échéance fatale - pour que l'âme se débarrasse de toutes les souillures de ses mauvais instincts, se purifie du virus des rancunes et des haines, se détache des plaisirs et des duperies, et accompagne le défunt à sa dernière demeure dans une atmosphère de vénération, de déférence et de dignité. Ce petit instant n'appartient pas à l'espace temporel auquel nous sommes habitués. C'est un déclic qui se déclenche dans le monde de l'au-delà, dans ce monde de la perfection, de la pureté et de la fraternité, où l'âme retourne à sa source originelle, sans être troublée par les ignominies de basse facture, ni tentée par les appétits mesquins et sordides.

On est devant un spectacle - et quel spectacle! - d'une foule compacte et serrée, marchant derrière le cercueil, unie dans la douleur, l'esprit dans un état proche de l'abattement, les larmes plein les yeux, profondément affectée par le coup du sort et angoissée par la rudesse inhumaine de l'adversité.

Tel l'enfant qui appelle sa mère en pleurant, la foule, les larmes aux yeux, prie le Très-Haut de prendre notre cher disparu en sa sainte miséricorde. C'est ainsi qu'elle a suivi ton cercueil, Saïd, pendant que tu te dirigeais à la rencontre de ton Créateur. C'était une foule de gens qui t'ont connu, affectionné et apprécié à ta juste valeur et qui, en apprenant la nouvelle de ton décès, ont été bouleversés et accablés de douleur.

Tous avaient le coeur brisé, le visage hagard de celui qui venait de vivre un moment effroyable. Jamais ils n'ont ressenti perte plus cruelle ni malheur plus terrible que ce qu'ils venaient de ressentir avec ta soudaine disparition. Certains parmi eux ont perdu en toi l'ami sincère, d'autres le frère affectueux, et tous ensemble l'homme actif, assidu et sérieux. Ils ne tarissent pas d'éloges à ton égard, et ne cessent de se lamenter de ce que tu les as quittés sans les prévenir, et se rappellent à ton bon souvenir en évoquant les aspects les plus intimes de ta vie précieuse qu'ils chérissaient.

Savoure ton séjour auprès de Dieu.

"Celui dont on s'accorde à dire du bien est assuré d'avoir accès au paradis"

Kacem Zhiri

No spécial du journal "Almaghrib" commémorant le 1er anniversaire de la disparition de Saïd Hajji - No du 31 mars 1943.

No spécial du journal "Almaghrib" commémorant le 1er anniversaire de la disparition de Saïd Hajji - No du 31 mars 1943.