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Editorial établi par la rédaction du journal

Almaghrib - No spécial à l'occasion de la commémoration du 1er anniversaire de la disparition de Saïd Hajji - 6ème année - No 1189 - 11 mars 1943

Avec la parution de la présente édition, une année entière se sera écoulée depuis la disparition de notre regretté Saïd Hajji. Même si la famille du journal "Almaghrib" a pris la résolution de consacrer sous peu un numéro spécial à cette commémoration, nous estimons qu'il est de notre devoir de ne pas laisser passer cette occasion sans évoquer la mémoire du défunt, à qui revient le mérite d'avoir initié ce projet et d'en avoir fortifié les fondements. Si l'implacable destin n'a laissé aucun répit au disparu pour qu'il découvre le meilleur de ses activités et livre le plus cher de ses espérances, il aura au moins passé au courant de sa brève existence un temps précieux à aspirer au summum de la perfection, et aura laissé derrière lui une famille organisée, unie, et faisant tout ce qui est en son possible non seulement pour conserver intact l'acquis qu'il lui a légué mais encore pour le développer conformément à ses voeux et à ses attentes.

Les activités du regretté Saïd - que Dieu l'ait en sa miséricorde - ne se limitaient pas à la publication d'un journal quotidien, pas plus qu'elles n'étaient dominées par l'unique souci d'améliorer les conditions de cette publication pour qu'elle atteigne le niveau de la grande presse internationale; elles ont couvert les domaines politique, culturel et social, au point où on pouvait aller sur les traces de ses randonnées dans tous les chemins qu'il avait parcourus, et où il était possible de suivre toutes les courses qu'il avait livrées dans les arènes de la politique et de la culture. Celui qui s'apprête à étudier les tenants et les aboutissants de ces activités restera pantois de surprise, ne pouvant croire à tous ces facteurs qui ont contribué à la formation de la personnalité du défunt et qui lui ont permis de jouer un rôle aussi important dans notre histoire socio-culturelle contemporaine.

Si le disparu a choisi parmi les professions libérales la profession journalistique, c'est parce qu'il en avait saisi l'importance et avait pu découvrir en lui-même un penchant précoce pour la presse. Il était convaincu qu'il était né pour être journaliste, et il lui suffisait de se rappeler l'expression "Sa Majeste la Presse" qui circulait dans les milieux journalistiques pour se rendre compte du pouvoir extrêmement étendu qui etait le sien, et de la place qu'elle occupait dans tous les pays et parmi toutes les populations du globe. Le journalisme éduque, cultive, oriente et éclaire. Son intérêt serait déjà énorme s'il devait s'arrêter à ce stade.

Le disparu a choisi le métier de journaliste et a cherché à s'en servir comme d'un instrument pour combattre l'arme de la paresse, selon l'expression qui revient souvent sous sa plume, arme qui maintient ses compatriotes sous le joug de la servilité et de l'ignorance. Depuis qu'il a sorti le premier numéro de ce journal, il n'a cessé de viser cet objectif noble entre tous; une passion irrésistible s'emparait de lui et enflammait sa conscience, le poussant vers l'action, tantôt à corps perdu, tantôt après mûre réflexion. Cette passion ou a fortiori cet idéal trouve son fondement dans sa volonté de voir la nation marocaine vivre à un niveau digne d'elle, de son passé ainsi que des disponibilités de sa jeunesse, et avancer à l'instar des autres pays vers la voie de la civilisation et du progrès. Cette idée l'a marqué depuis son enfance et l'a accompagné sur les bancs de l'école, que ce fût dans son pays ou à l'étranger. Elle était le plus fort aiguillon qui l'incitait à accomplir un travail productif par le biais de ses écrits qu'il publiait sur les colonnes de ce journal ou par d'autres moyens qu'il n'est pas nécessaire d'aborder ici.

La famille d'"Almaghrib" s'est engagée à suivre la voie tracée par le disparu, puisant dans sa vie, son humanisme et ses activités le plus fort stimulant qui encourage à rester dans le droit chemin qu'il lui a assigné. Si elle réussit dans sa mission et qu'elle surmonte les difficultés et les obstacles auxquels les hommes n'échappent pas, elle aura atteint le maximum de ses espérances. Sinon, sa bonne foi plaidera pour elle puisqu'elle aura été honnête jusqu'au bout dans l'accomplissement de son devoir. On ne saurait dès lors lui reprocher quoi que ce soit au dessus de sa portée.